Quelle étrange concept que le biopic d'un chanteur à peine quinqua et encore bien vivant, incarné de son enfance à aujourd'hui par… un chimpanzé numérique…
C'est un pari osé, un peu cringe, un peu démesuré, audacieux c'est certain, mais surtout parfaitement casse-gueule! Or contre toute attente, ce pari s'avère payant. Car Robbie Williams, ou du moins son avatar simiesque, nous emporte littéralement dans son monde en nous racontant son histoire.
C'est avant tout dans son exécution que Better Man impressionne. Le réalisateur Michael Gracey avait montré son savoir faire pour les comédies musicales avec The Greatest Showman, il fait un peu plus, un peu mieux, un peu plus fou ici. Les numéros musicaux sont très réussis, tour à tour flamboyants ou émouvants, hyper inventifs dans leurs chorégraphies avec ses personnages qui virevoltent d'un tableau à l'autre et peuvent passer d'une salle de concert à un enterrement dans une même scène chantée. La mise en scène est virtuose au point qu'elle nous fait oublier par instant la technologie. L'animation de Robbie est si perfectionnée, dans ses expressions, ses mouvements, ses humeurs, qu'on en oublie parfois que c'est un singe. C'est ce qui fait que Better Man et ses artifices fonctionnent miraculeusement.
La mise en scène, aussi frénétique soit-elle, sait aussi se faire plus calme et Gracey livre quelques beaux instantanés à l'écran, comme ce plan magnifique sur un lac gelé.
Better Man est aussi l'occasion de redécouvrir les titres de Robbie Williams dans de très jolies réorchestrations et de mieux en saisir le sens.
Par ses outrances, ses essais stylistiques et sa poésie (souvent sombre), Better Man se rapproche plus du très réussi RocketMan sur Elton John que du plus académique Bohemian Rhapsody, biopic très scolaire sur Freddie Mercury. D'autant plus que Williams prend le parti de ne pas se ménager. Son film prend parfois des airs de thérapie, ou d'excuses générales. Le chanteur y exorcise en tout cas ses démons, et se regarde comme il s'est perçu pendant toutes ces années. Il renvoie une image de lui peu reluisante ce qui explique le ton parfois sinistre de ce biopic, à l'image des fantômes des "lui passés" qui le poursuivent et l'empêchent de se réaliser chaque fois qu'il est sur scène. Et ce, jusqu'à ce qu'il finisse par les apprivoiser dans un final émouvant.
On n'est cependant pas obligé de pleurer sur le sort de la popstar, et les démons qui le hantent n'ont rien de très original. Le récit reproduit le schéma narratif essoré de l'artiste maudit qui n'a pas reçu le soutien qu'il espérait de ses parents (ici le père absent), et qui après avoir connu la gloire touche le fond et se perd dans l'égo, la colère et les paradis artificiels. Sur le fond, on a connu moins classique… Reste que sur la forme, Better Man est une proposition qui sort de l'ordinaire.
Peut-être est-il trop audacieux, trop mégalo, mais il est traversé d'une énergie sincère, il présente des qualités visuelles hors du commun et propose une mise en scène culottée et emballante. Vraiment, Better Man ne mérite vraiment pas l'indifférence avec laquelle il a été accueilli. On lui espère une seconde vie à l'image de celle rencontrée par The Greatest Showman, échec au box office avant de gagner sur le tard ses galons de succès populaire.