Si chez Claude Chabrol la maîtrise formelle est indéniable, difficile, en revanche, de ne pas avoir de réserves sur le fond. D'ailleurs, c'est simple : cette impression m'a complètement pourri la première partie du film, l'aspect très « ah mon Dieu, que je suis malheureuse chez ces méchants bourgeois, quel ennui de n'avoir rien à faire de la journée dans mon immense appartement parisien, même si 98% de la population aimerait être à ma place » m'ayant franchement gavé. Seule compensation du moment : que ces états d'âmes inintéressants soient racontés en flashbacks à travers un montage aussi brillant qu'habile, nous permettant ainsi de ne pas trop nous ennuyer. C'est aussi grâce aux événements se déroulant au présent, intrigants notamment grâce à la composition étrange et assez fascinante de Stéphane Audran dans un personnage typiquement « chabrolien », dont la complexité n'est à aucun moment démentie.
Heureusement, après cette petite heure de chichis assez gonflants, le réalisateur du « Boucher » se décide enfin à nuancer son propos, l'aspect profondément égoïste de Betty apparaissant tandis que la classe bourgeoise a beau ne pas être épargnée, elle apparaît plus nuancée, presque épargnée tant le comportement de l'héroïne est parfois condamnable. De plus, si tout ce qui concerne le passé de cette dernière est résolument inégale, sa relation avec Laure est captivante. Enfin, si l'on arrive à trouver un minimum d'intérêt à Betty, c'est aussi grâce à la performance époustouflante de Marie Trintignant, savant mélange d'émotion brute et de pathétique, le tout porté par une présence assez incroyable, nous faisant plus que jamais regretter sa tragique disparition. Elle est l'une des plus belles réussites de ce film très inconstant, mais avec suffisamment de qualités à tous les niveaux pour qu'on se laisse tenter une fois.