Beyond the Black Rainbow est un long métrage de science-fiction expérimental qui n’est jamais sorti en France (uniquement aux États-Unis, au Canada et dans quelques pays d’Amérique latine). Diffusé à partir du 3 Décembre 2010, il est né de l’imaginaire du canadien Panos Cosmatos dont c’est la première réalisation. Si lui n’est pas très connu, son père Georges Pan Cosmatos l’est autrement plus, notamment pour avoir signé quelques films marquants tels que Cobra, Tombstone ou encore Rambo 2.
En plus de se payer une réputation d’OVNI ininterprétable, Beyond the Black Rainbow appartient à un sous-genre du cinéma expérimental qu’on appelle le « cinéma de transe ». Baptisé ainsi par Cosmatos lui-même, le cinéma de transe contient « des films de rêve sans scène de réveil ». D’ordinaire on les connait dédaléens, bizarres voire carrément dérangeants, avec une narration toute en symboles et en métaphores pour favoriser une approche atmosphérique du scénario.
Mais alors, que s’y passe-t-il donc de si étrange ?
Tout (ou presque) se déroule dans l’Institut Arboria, un complexe scientifique créé dans les années 1960 par le docteur Mercurio Arboria. Paysage à la fois ultramoderne et décadent, y sont réalisées diverses études comportementales et spirituelles ; le but étant d’élever l’humain à une conscience supérieure et lui promettre un bonheur perpétuel grâce au pouvoir de la Technologie.
En 1983, alors que Mercurio Arboria est souffrant, il confie ses travaux à son protégé, le docteur Barry Nyle. Instable, psychotique et schizophrène, il est en charge d’analyser le comportement et les capacités cognitives d’une jeune fille nommée Elena à travers des séances de thérapies régulières qui prennent ici la forme d’interrogatoires. Enchaînant les découvertes, il replonge dans son passé, là où sa folie s’est mise à le dominer. Sa descente aux enfers est lente et silencieuse.
Aux premières secondes, la photographie détonne. Panos Cosmatos l’a voulue très eighties, le film se déroulant en pleine Amérique sous Reagan, incorporant ça et là des effets de style iconiques : forts contrastes, surimpressions, lumières et couleurs très vivaces, grain de pellicule 35mm… À l’instar de la Double Feature « Grindhouse » de Rodriguez et Tarantino, un hommage est ainsi rendu à la série B, aux films d’exploitation pop-corn et aux midnight movies. L’hommage se fait aussi au travers des décors ; l’Institut Arboria se dresse en château gothique hanté, décadent, glacial, stérile, où s’entrechoquent d’imposantes formes géométriques qui projettent leurs ombres terrifiantes sur des cloisons rouges métallique. D’ailleurs, il est intéressant de noter ici que le leitmotiv du film, son symbole le plus récurent, est une sorte de prisme incandescent dont le personnage principal a le total contrôle sans pour autant savoir comme il fonctionne.
Cette dernière phrase résume assez bien l’intrigue, à vrai dire. Beyond the Black Rainbow c’est ça : une bande de pseudo-scientifiques qui ne savent manifestement pas où ils mettent les pieds, côtoyant la vie et la mort de très près. Ils se perdent dans les couloirs de leur l’Institut, Barry Nyle ouvrant la marche. Le comédien qui l’interprète, Michael Rogers, arrive à épouser sa schizophrénie avec brio. Il accepte son mal-être, l’accueille à bras ouvert jusqu’à devenir un animal, un guépard qui rôde dans l’ombre, silencieux, chacun de ses pas étant rythmé au son d’une musique claire et vibrante dans la droite lignée bladerunnerienne, empruntant aux années 1980 ce qu’elles ont de plus pêchu et synthétique.
Toutefois, si Beyond the Black Rainbow jouit des nombreuses qualités énoncées plus haut, il n’est pas exempt de défauts à commencer par un rythme très lent qui en excédera plus d’un pour terminer sur un final insipide qui irrite et déçoit. En cela, il est condamné à errer sans fin dans l’obscurité, seul, comme une expérience incomprise, un film connu pour les mauvaises raisons et méconnu pour les bonnes, une œuvre inachevée qui fascine et questionne autant qu’elle choque et rebute.
Mais s’il y a bien une chose que découvrir des films de ce genre nous enseigne c’est que le conventionnel n’est pas LE cinéma. Il faut savoir regarder au-delà de ce qu’il peut nous proposer, au-delà de l’arc-en-ciel noir, pour goûter à l’art, à l’hétéroclite, au cinéma, au beau cinéma.
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