De la sci-fi poisseuse et poussiéreuse

Salut, mon vieux Camille.


J'avais un peu de temps à moi, ce jour, alors j'ai pensé à ta petite bouille. Je me suis dis « je vais lui écrire » ! Comme à l'accoutumée, ma lettre contient une critique de film, en l’occurrence Dune, réalisé par David Lynch en 1985. Cinéaste génial très souvent considéré comme l'un des plus important de sa génération, ce dernier est au thriller ce que Quentin Dupieux est à l'absurde : un génie magistral qui manie son outil pelliculaire avec virtuosité.


D'abord, tu dois savoir que Dune est sévèrement critiqué sur Internet. Les gens ne l'aiment pas beaucoup. Je te gâche la surprise : moi, je l'adore. De plus, je crois bien que c'est mon Lynch préféré. Par conséquent, les gens rient de moi, je le sais bien...


À son début, une nana de l'an 10191 apparemment haut-placée au gouvernement t'explique des trucs géopolitiques. Ces derniers te paraîtront complètement incompréhensible mais finiront par trouver une logique, ne t'en fais pas. Ce que tu dois en retenir c'est qu'une planète répondant au doux nom d'Arrakis, Dune pour les intimes, produit on ne sait comment une ressource qui permet de replier l'univers : l'Épice. Même si ce nom provient du livre de Franck Herbert dont il est adapté, je le trouve ici bien choisi puisqu'il évoque le commerce des épices au Moyen-Orient avant le début de l'ère chrétienne, une ressource ô combien chère et précieuse. Parenthèse fermée, tu dois savoir aussi que demeurent des gentils, les Atréides, en charge de récolter l'Épice et des méchants, les Harkonnens, le leur enviant.
C'est très grossièrement résumé, je te l'accorde, mais si je me risquais à détailler tu aurais rapidement mal à la tête, l'univers de Dune étant riche au point de renvoyer la saga Star Wars pleurer dans les bras de papa Lucas.


Outre le fait que d'avoir envie d'épouser Kyle McLachlan, la vedette du film, ce que j'ai vraiment apprécié de Dune c'est sa dimension ésotérique. S'il est une mauvaise adaptation de son matériau de base, il reste un de ces beaux objets filmiques, usé et obscur comme un monolithe noir.
Il n'y est pas juste question de politique galactique, de Grandes Maisons ou d'ordres qui se battent pour défendre leurs intérêts (comme les marchands de la CHOM ou le Bene Gesserit) et contrôler une planète importante. Non, à l'écran, l'univers de Dune jouit d'une vraie profondeur, d'une spiritualité, ce qui le rend très intéressant et agréable à parcourir. À chaque fois qu'on lui découvre un nouveau lieu ou un nouveau personnage on a automatiquement envie d'en savoir plus sur lui.


Aussi, Lynch a rendu l'univers de Dune tellement sombre, tellement hostile. Tu ne peux t'imaginer. Tout y est crasseux, suintant. C'en est presque vomitif. Son imagerie est crédible de par son aspect abîmé. Elle ne cherche pas à être strictement futuriste avec de jolis intérieurs blancs, aseptisés comme si Steve Jobs en était responsable. Des armatures en métal pendent au plafond ainsi que des tuyaux rouillés, de grosses machines remplissent le cadre, il y a de la fumée en veux-tu en voilà, des liquides verdâtres dégoulinent et les méchants sont roux ! Cela ne s’inscrit pas du tout dans l'esprit 2001, l’Odyssée de l'espace qui lui cherche volontairement à faire ultra-moderne, Kubrick ayant inventé Skype avant l'heure. Ce qui prouve que Lynch ne s'est pas dit « dans le futur l'Homme aura évolué, il composera avec les technologies les plus avancées », ce qui est absurde.
Et Arrakis. Dune. Putain, quelle planète ! Primo, elle a vraiment de la gueule : orange, entièrement recouverte de sable ; deuzio, elle est infestée de vers géants d'une rare agressivité qui sécrètent de la fumée orange par tous les orifices, ce qui en fait un lieu peu accueillant. Il n'y a pas de tertio.


Toutefois, si j'ai l'air d'avoir écrit ces lignes béat, je ne trouve pas le film parfait. Après les fleurs, j'ai aussi prévu de lui jeter des boulons rouillés.
Alors que son premier acte frôle le génie, tant sur le fond que sur la forme, son deuxième est extrêmement long et décousu. Il contient une histoire d'amour un peu chelou, des personnages qui arrivent de nulle part et un gros ralentissement de la narration, peut-être pour insister sur une ambiance pesante, qui donnera sur une séance d'initiation à un art martial assez étrange en début de dernier acte. Si je te dis que c'est ésotérique, ce n'est pas pour rien. L'art martial en question est assez impressionnant mais il ne me fera pas oublier les temps morts du récit. Et pour finir, j'aurais deux clichés à relever pour le prix d'un : les gentils ont les yeux bleus et les méchants sont roux. No comment.


En conclusion, je peux te dire que c'est un bon film. Je te le recommande. Et, entre nous, la première fois que je l'ai vu c'était sur un tout petit écran, en tout cas assez petit pour qu'on ne voit pas les sous-titres, le son était dégueulasse et j'étais en compagnie de gens qui aujourd'hui m'insupportent. Pourtant il m'a plu. C'est bien qu'il a quelque chose de séduisant.


Bref. Voilà tout ce que j'avais à te dire. Procure-toi ce film d'une manière ou d'une autre, légalement ou illégalement, savoure-le, masturbe-toi en le regardant et surtout... pense à moi en le faisant.


La bise,
ton Maxime.

Créée

le 23 févr. 2014

Modifiée

le 16 mars 2014

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AnarchikHead

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