"Pour quelqu'un qui n'avait jamais été fait pour ce monde, je dois avouer que j'ai du mal à le quitt

Le film d'anticipation a toujours eu pour moi, plus que tous les autres genres de SF, l'immense charge de marier la vision réaliste, cohérente d'un monde futuriste avec la résonance que les enjeux de ce monde ont sur le notre, celui-ci bien réel.

C'est un défi très ardu, à mon sens, puisqu'il s'agit d'un côté de ne pas tomber dans l'esbroufe et de l'autre de ne pas rendre le propos trop imposant et maladroit, le risque alors étant d'éjecter le spectateur du film lorsque ce dernier se rend compte de l'aspect factice d'un monde créé de toutes pièces afin de servir une morale lourdingue et sirupeuse.

"Bienvenue à Gattaca" est l'exemple justement impeccable de la réussite d'un tel mariage. Son esthétique froide et carrée, ses thématiques qui ne forment finalement que le prolongement des mêmes problèmes auxquels se heurte l'humanité aujourd'hui forment une cohérence bienvenue dans un film de ce genre. En effet, le film ne fait qu'exacerber ces problèmes, il les grossit pour les rendre évidents, pour que les mécanismes qui amènent à une si terrible déshumanisation, où un être n'est réduit qu'à ses attributs génétiques, soient visibles.

En ce sens, j'ai trouvé dans le film une atmosphère pouvant rappeler celle d'une fable, la fable d'un homme, enfant de providence, n'existant que dans un perpétuel combat pour l'acceptation de soi par soi et par les autres.
Cet homme réussit par "piraterie génétique" à prendre aux yeux des machines l'apparence d'un être génétiquement parfait tout en fournissant un travail de qualité supérieure. L'être parfait invalidé par une tentative de suicide raté, servant de modèle génétique, n'est cependant capable de gravir la double hélice ADN qui lui sert d'escalier que pour faire semblant d'être l'autre, réclamant alors l'attention sentimentale pourtant propre à la personnalité de chacun.
La relation que Vincent a avec chaque personnage révèle les faiblesses de chacun (l'alcoolisme d'Eugène, les troubles cardiaques de Irène, la peur de l'échec d'Anton) alors même que chacun était prédestiné à ne pas en subir.
Alors, de ce fait, oui, chaque situation, chaque scène résonne d'un pas lourd, à la limite du convenu, mais c'est quelque chose, ici, qu'il faut savoir accepter pour savourer la force de ce qu'elles brassent, de ce qu'elles racontent.

Sous couvert d'une enquête policière des plus banales, dirigée par un commissaire aveugle car trop sûr de lui, c'est tout un processus qui est dénoncé avec brio, et c'est toute la force d'une volonté, elle, valide, qui est démontrée. Et quand c'est l'être dans toute son unicité qui s'élève contre l'uniformisation rassurante, c'est quand même sacrément classe !

>>>> http://www.youtube.com/watch?v=grdK703W92I <<<<
Aronnax
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le 17 févr. 2014

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