Un an avant la sortie de Bienvenue à Gattaca, la brebis Dolly devenait le premier mammifère à naitre suite à un clonage de cellules. Le succès de ce type de manipulations génétiques génère une foule de questions et d'inquiétudes. Des inquiétudes qui inspirèrent le jeune trentenaire Andrew Niccol dans un scénario qu'il portera lui même au cinéma en tant que première réalisation.
Dans une société futuriste où la fécondation se fait in vitro après une sélection des meilleurs gamètes, les enfants nés de façon naturelle se retrouvent mis au ban de la société car imparfait. Une imperfection qui est calculée dès la naissance par un puissant ordinateur analysant le patrimoine génétique à partir d'une goutte de sang. C'est le cas de Vincent Freemnan, dont l'ordinateur révèle un risque très important de dysfonctionnement cardiaque. Une fois adulte, Vincent doit se contenter de faire le ménage à défaut de réaliser son rêve, devenir astronaute. Il décide alors d'échanger son identité avec Jérôme Morrow, dont le profil génétique lui permet de se présenter à l'école spatiale appelée Gattaca. S'en suit un double jeu dangereux...
Côté acteurs, Niccol évite le piège de l'androgynisme tout en retranscrivant à l'écran la notion de beauté associée à un monde obnubilé par une apparente perfection. Les trois acteurs principaux, Ethan Hawke, Uma Thurman et Jude Law sont parfaits dans ces rôles de jeunes premiers de la classe à la silhouette affutée et à la coiffure parfaite.
Rappelant la volonté frénétique des nazis à l'avènement d'une société aryenne, Bienvenue à Gattaca est la terrifiante transcription d'une société cherchant à n'être composée que de citoyens parfaits du point de vue de la génétique. En utilisant des moyens beaucoup moins violents que le Troisième Reich, la société imaginée par Andrew Niccol parvient à faire accepter par sa population une position moralement insoutenable, à savoir classer les gens par castes en fonction de leur ADN.
L'eugénisme n'est plus un simple sujet de science-fiction, mais une réalité. Jugulées jusqu'à présent par la bioéthique, les transformations du génome ne se pratiquent qu'en modèle cellulaire ou sur des animaux, comme les souris transgéniques utilisées pour étudier en particulier un ou plusieurs gènes. Aujourd'hui, les techniques scientifiques permettraient de cloner un être humain. L'une des dernières grosses annonces en la matière est celle de ce début d'année avec le clonage réussi de deux bébés macaques par des chercheurs chinois. La bioéthique, devenu dans le monde un enjeu moral et politique, est cependant plus qu'un vague concept. De nombreuses lois existent, que ce soit par exemple dans le droit français et européen, afin d'ériger des gardes fous autour d'une science dont les limites ne cessent d'être repoussées grâce au travail de milliers de chercheurs, médecins et autres scientifiques à travers le monde.
Dans une atmosphère teintée de jaune et bleu, Bienvenue à Gattaca est un formidable film d'anticipation où le rapport de force entre science et éthique se brise pour laisser libre cours à tous les excès de l'eugénisme. Pour son premier film, et sans doute le plus abouti, Andrew Niccol nous offre un cinéma de conscience dans un style retro-futuriste.