Bienvenue à Gattaca reprend la figure des frères ennemis pour sa trame centrale, son coeur émotionnel. Dans la Bible, Caïn tue son frère Abel après que son sacrifice n'est pas aussi estimé par Dieu que celui de son frère cadet. Mais dans le film de Niccol, l'humanité a repris le rôle du divin, distribuant lui-même les cartes qui déterminent les sacrifices nécessaires à l'équilibre précaire de chaque vie.
Si au début du film, c'est bien le frère aîné qui jalouse le cadet des faveurs de cette divinité toute humaine, les rôles s'inversent dans une fin de film qui embrasse largement son caractère mythologique, permettant de faire croire à son spectateur à la toute puissance de l'esprit humain, capable de défier les océans, maritimes ou stellaires, par simple pouvoir de volonté.
C'est que l'esprit humain, dans toute son imperfection, se voit dans l'obligation du sacrifice du voyage de retour s'il souhaite atteindre les étoiles. À côté, la nouvelle sur-humanité, certaine de sa toute puissance, n'a plus grand chose à sacrifier dans un chemin déjà tout tracé : celui de l'excellence en tout point. Le film a choisi lequel de ces sacrifices Dieu (le véritable cette fois-ci) favorise.
La Bible décrit le premier homme comme un meurtrier, Bienvenue à Gattaca inverse de nouveau l'histoire pour faire du dernier homme sur Terre un être capable de pardon. L'art comme moyen de se détacher de cette vision terrible de l'humanité peut-être, avec cette histoire d'un homme qui doit en jouer un autre par tout un tas de moyens inventifs, rappelant forcément l'illusion, dans son sens le plus noble, procurée par le cinéma.