…Assurez-vous qu’il n’y a pas plus alléchant au ciné ce jour-là avant de choisir ce film. J’explique, avec l’éternel problème de ne pas trop en dire, si vous voulez quand même le voir: ça commence années 50 triomphantes, promotion pour cette banlieue modèle, Suburbicon, où il fait bon vivre.
La reconstitution ne fait pas trop appliquée, à part pour les habits (ça passe) et les bureaux (obsession de foutre six crayons à papier dans chaque pot à crayon). Quant à la banlieue, elle n’est pas trop pimpante ni trop proprette et ne colle pas à l’imaginaire nostalgique (?) de ces années-là. Pas trop de caricature de ce côté.
Vient le scénario. Là est la caricature, on devine trop vite ce qui s’est passé, ce qui fait que quand les révélations arrivent on s’ennuie un peu. L’influence des frères Coen (co-scénaristes) est palpable, tout ça sent le déjà vu. Et puis Julianne Moore n’est pas convaincante dans son rôle, aïe aïe aïe (sauf au début où elle a un double rôle, mais c’est très court).
Les quelques notes d’humour dans le macabre (le vélo trop petit, le personnage de Oscar Isaac, dans une évidente allusion à G. Clooney soi-même) sont rares et vite effacées par un virage sordide (la discussion du père avec son enfant), avec là aussi un retour du scénario qu’on a bien vu en gros plan, tout ça pour amorcer une fin qui n’est pas une fin. D’accord, vu la quantité de catastrophes (euphémisme, mais je veux rien révéler !) accumulées c’était pas gagné d’en trouver une, mais ils auraient pu se fouler un peu plus, ces scénaristes !
Vieux Dragon, qui a beaucoup aimé, note dans sa critique qu’au début du film on imagine que l’intrigue va tourner autour du racisme des habitants d’une banlieue bien blanche face à un couple de Noirs et leur enfant. Lui trouve que cette trame se mêle très bien avec la trame principale, les deux apocalypsant dans «le même crescendo vers la folie». C’est pas mal de rappeler les ahurissantes discriminations de l’époque, évidemment. Mais en termes de scénario cette trame-ci se mêle très très mal avec le reste de l’histoire. D’ailleurs on reste extrêmement à distance de cette famille noire, dont on ne sait rien du tout, aucune empathie n’est créée avec elle. Du coup la trame «famille noire en butte à la discrimination abjecte» m’a donné l’impression de n’exister que pour justifier, au moment de la scène de violence raciste collective, qu’un meurtre passe complètement inaperçu…