Attention, cette bafouille peut contenir des spoilers ! Merci de votre compréhension.
Hal Ashby est un très bon cinéaste un peu oublié du cinéma américain. Il faut dire aussi que sa carrière a été assez courte. Ayant commencé comme monteur (oscarisé en 1968 grâce à Dans la chaleur de la nuit), il n'a ensuite réalisé qu'une douzaine de longs-métrages en vingt ans, avant de mourir en 1988 à 59 ans. Ses films étant plutôt des comédies douces-amères, il aura fallu qu'il traite du Vietnam avec Le Retour (1978) pour bien se placer aux Oscars et se faire remarquer un peu dans le Nouvel Hollywood érigé par de jeunes réalisateurs.
Bref, tout ça pour dire que son film le plus célèbre est Bienvenue Mister Chance et que c'est un chef-d'œuvre. Point ! (mais je continue un peu quand même) Au départ, il a de quoi déconcerter : un homme (joué par Peter Sellers, magistral cela va sans dire) se réveille le matin et regarde la télévision. En permanence. On apprend que son maître (davantage que simple patron) est décédé et qu'il est contraint de quitter la maison. Tout à coup, on prend conscience de l'époque où a été tourné le film, tout comme le pauvre Chance, complètement déboussolé dans Washington où les seules télévisions disponibles sont dans les vitrines des magasins.
Quiproquos irrésistibles aidant, Chance se retrouve hébergé par un grand industriel qui se trouve également être un proche ami et conseiller du Président. Et alors là, Bienvenue Mister Chance devient absolument hilarant jusqu'au bout, alors que tous les services du pays s'acharnent à trouver un passif à notre héros qui, entretemps, est devenu la voix la plus écoutée par les américains, prenant ses propos sur le jardinage pour des métaphores n'existant pas du tout ! A son insu, Chance bouleverse tout le monde politique et diplomatique, remplaçant les incessants bavardages par une stupeur absurde.
La politique étant ce qu'elle était et sera toujours, c'est à dire un vain brouhaha n'apportant que solutions éphémères à des problèmes éternels, Bienvenue Mister Chance n'a évidemment rien perdu de son mordant. Cependant, Hal Ashby étant un cinéaste plutôt sensible, laissant à ses films tout le temps de se développer (ou d'éclore pour filer le vocabulaire de son héros), Bienvenue Mister Chance n'est pas qu'une farce politique dégommant tout ce qui bouge. Au contraire, sa satire, Ashby la contrebalance par une profonde mélancolie, portée par la solitude virant à l'autisme de Sellers traversant les grandes demeures de Washington posée sur un paysage hivernal. Peu à peu, on se rend compte que Bienvenue Mister Chance ne propose qu'une touchante leçon de vie, prônant la simplicité et l'innocence de son héros, pour être juste à l'endroit où l'on est. Comme le préconise son titre original : Being There...