La réalisatrice Andrea Arnold, par son langage cinématographique, fait d'elle une représentante du réalisme social. Aussi elle choisit d'introduire dans son dernier film une certaine fantaisie, pas vraiment convaincante. Avec pour actrice Nykiya Adams, dans le rôle de Bailey : une fille qui ressemble à un garçon et qui fait ses premiers pas d'adolescente, aux côtés d'un père appelé Bug, interprété par Barry Keoghan.
Bug est un éternel enfant, immature, grimé en adulte, où poussent de façon anarchique tous ces tatouages sur un corps au milieu d'une jungle abandonnée.
Un squat où l'on entend les sons et les cris de l'abandon. Les cicatrices d'une jeunesse égarée, et d'une mère qui vit une autre vie avec un homme violent. Ainsi que celles de ses frères et sœurs, qui, comme Bailey, ont mûri bien trop tôt pour pallier les carences d'un environnement déstructuré.
Malheureusement, cette vérité à l'écran est sans émotion. Une chronique poétique qui s'est sûrement perdue en marge de tous ces paysages urbains, dévorés par la nature.
Oubliant Nykiya Adams dans toutes ces fuites, où s'oublient une collection de gestes et de regards vides. Ainsi que Barry Keoghan, le stéréotype ambulant du père-enfant irresponsable, sans aucune alchimie avec Bailey, à la figure floue, dans un assemblage de clichés maladroits.
Et puis, il y a Bird (Franz Rogowski) qui n'arrange rien à l'histoire. Un espoir pour Bailey, qui trouve peut-être en lui les ailes qui lui manquaient pour s'évader, une sorte d'échappatoire possible à ce monde étouffant.
Une promesse un peu abstraite et énigmatique, qui fuit lui aussi quelque chose. Un passé, avec une âme d'oiseau, allez savoir, qui se noie dans cette symbolique appuyée et désincarnée. Une métaphore de la liberté qui finit par devenir un poids supplémentaire à tout ce film.
Il faut reconnaître cependant un certain réalisme brut dans chacun des plans. Ces bidonvilles anglais, où le beau et le laid se confondent, révèlent un réel d'une lumière si intense. Des paysages gris abandonnés, avec des bruits d'enfants qui jouent, aux côtés de parents précoces et inconscients, qui vivent selon leurs propres codes, et cette violence omniprésente.
C'est une exploration de l'hyperréalisme qui s'égare dans une esthétique, étouffant toute tentative d'impression vers un ailleurs. On tourne en rond dans cette cage, où l'on cherche désespérément à s'envoler. Dommage pour un tel titre.
Bird échoue, selon moi, à raconter quelque chose de profond. Une vision des lieux perçus comme dégradés, chaotiques, entre misère et désespoir. L'authenticité visuelle n'est pas une vérité absolue au cinéma : elle ne peut compenser un récit bien trop fragile et des acteurs qui manquent de relief, qui cherchent à être complexes, souvent conflictuels, incorrects et égoïstes, qui vivent et aiment de la meilleure façon qu'ils connaissent.
Ainsi, à travers tous ces personnages imbibés de grisaille et d'âmes abandonnées, filmés au plus près, il n'y a ni message discursif ni morale. Certainement une qualité à noter dans ce film.