On se souvient toujours de sa première fois… celle de son premier baiser, celle de sa première cuite ou encore celle de son premier Iñárritu. Car oui, si le nom de ce réalisateur ne vous dit rien, ses films vous seront forcément connus.
Après avoir signé Amour Chiennes en 2000, son premier film acclamé par les critiques avec notamment Gaël Garcia Bernal dans son premier grand rôle, il réalise 21 Grammes (Sean Penn, Benicio Del Toro, Naomi Watts, Charlotte Gainsbourg) un drame puissant où les émotions transpirent à travers l’écran recevant une critique très positive et décrit comme une expérience rare avec une interprétation hors-pair. En 2006, Iñárritu clôt cette trilogie – où chacun des films repose sur le principe de croisement des personnages – avec Babel (Brad Pitt, Cate Blanchett, Gaël Garcia Bernal) où un seul coup de fusil va entraîner une réaction en chaîne événements aux quatre coins du globe, mêlant des personnages qui ne se connaissent pas. Les nominations et les prix tombent, prouvant la qualité de sa mise en scène, mais pas uniquement. Il sait se montrer généreux en 2010 en offrant un rôle exceptionnel à l’unique Javier Bardem dans Biutiful, une collaboration de 5 mois qui lui vaudra notamment le prix d’interprétation masculine au festival de Cannes.
Vous l’aurez compris, Iñárritu est devenu en peu de temps un réalisateur reconnu par sa profession jugé pour une qualité de mise en scène singulière et novatrice.
Birdman ne déroge pas à cette règle établie, porté par une réalisation unique en son genre. En effet, le film est construit comme un long plan séquence, du moins l’illusion d’un plan séquence, qui se faufile dans les coulisses et la scène d’un théâtre de Broadway. Les acteurs et éléments d’actions se succèdent subtilement dans le plan, souvent avec surprise, dans un cadre temporel déroutant (2h de film pour plus de 72h dans l’histoire). La caméra est focalisée sur le visage des acteurs saisissant leurs émotions et excès de folie. La technique impressionne, notamment lorsque la scène se déroule devant un miroir non incliné, la caméra n’est pas visible dans le reflet. Enfin, les dialogues et répliques s’enchaînent, accompagnés par une musique très jazzy, quasi uniquement à la batterie, rythmant les émotions des personnages.
Michael Keaton, disparu des écrans de nos salles obscures depuis plus de 15 ans (accessoirement sosie de Julien Lepers) établit pourtant ici une performance impressionnante qui lui a valu un Golden Globe et une nomination de meilleur acteur aux Oscars de l’année.
Il joue le rôle d’un acteur uniquement connu pour son rôle de super héros dans le blockbuster Birdman, unique succès de sa carrière. Si certains en savent un peu plus sur le film, ils sauront où je veux en venir…
Pour les autres, Keaton est l’acteur des deux volets de Batman réalisés par Tim Burton… vu comme cela, c’est du génie !
Les seconds rôles Edward Norton et Emma Stone sont aussi excellents, méritant amplement leurs nominations aux Oscars respectivement pour le meilleur acteur et la meilleure actrice, tous deux, dans un second rôle. Chaque personnage a deux facettes de sa personnalité bien distinctes, à l’extrême opposé parfois. C’est en jonglant avec cette dualité qu’ils vont devoir essayer de trouver leur place en tant qu’artiste dans le monde actuel, parfois cynique, de la célébrité.
Il en est de même pour Naomi Watts et Zach Galifianakis qui sont bluffants tant au niveau de l’énergie qu’ils dégagent dans leur jeu que dans leur conviction.
Verdict
J’adore les blockbusters en tant que divertissement, une après-midi au calme sous la couette ou dans une salle remplie de monde, mais ce que j’aime par-dessus tout, ce sont les longs métrages qui mettent toute leur énergie et leurs pensées au service des émotions ou de l’introspection des personnages. J’apprécie surtout une réflexion dans un sens plus global. Birdman fait l’exposé de l’industrie cinématographique d’aujourd’hui, où les films à gros budget se font sans réelle création – avec des suites improbables – viennent contraster des courts et longs métrages innovants, ingénieux, habiles dans le processus de la mise en abyme (je pense notamment à Réalité de Quentin Dupieux).