Les films d'Iñárritu commençaient dangereusement à tous se ressembler. Trois histoires qui se croisent, des personnages détruits échouant à se reconstruire, et un moralisme indicible à chaque générique. Avec Birdman, on ne pourra pas reprocher au réalisateur mexicain de se répéter. Techniquement, il faut le dire, ce film est tout de même une pure merveille. Une merveille quasiment agaçante parfois, car le long (faux) plan-séquence ne nous laisse jamais le temps de reprendre notre souffle. C'est peut-être cette technicité qui a laissé quelques spectateurs sur le carreau. Mais pour ceux qui acceptent de rentrer dans l'histoire et dans le plan-séquence, le film impressionne énormément. Iñárritu parvient à nous faire ressentir la sueur de Broadway, le côté cirque Pinder, les générales qui foirent les unes après les autres, les critiques qui font ou défont une carrière, la terrible sensation de se fourvoyer artistiquement, le violent désir de postérité... Michael Keaton, dans un rôle miroir, arrive toujours à émouvoir, même (surtout) dans ces petites lâchetés, et confirme qu'il est bien autre chose qu'un Batman originel. Et on est content de retrouver Edward Norton, un peu disparu des radars, dans rôle d'un acteur talentueux et insupportable, méprisant l'époque tout en faisant une utilisation très personnelle du buzz médiatique. Surtout, le film accroche par son suspens constant, à savoir comment cette pièce de Raymond Carver va-t-elle éviter la catastrophe. La projection ressemble à un tour de montagnes russes avec un bouquin de Tchekov dans la poche : sensations fortes mariées à un pessimisme crépusculaire.
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