Avant-première très rude au Festival d'Alès : de nombreux spectateurs s'agacent de "venir voir un documentaire sur la disparition des oiseaux, sans voir un seul oiseau vivant !", mais sérieusement : n'ont-ils pas saisi ? Le parti-pris de Jacques Loeuille est à double-tranchant : ou bien le spectateur est capable de saisir que l'agacement qu'il ressent est un coup de poing volontaire (un signal d'alarme : si vous ne voulez pas que cette heure passée à regarder des dessins d'oiseaux disparus soit pérenne, il faut qu'on change, sinon on n'aura effectivement plus de des reproductions à regarder, pour toujours...), ou bien il ressortira de la salle en voulant zapper sur Discovery et retrouver ses docus piaillant gaiment, qui seront peut-être les archives de demain... Jacques Loeuille joue un jeu dangereux, et si pour notre part on a adoré s'énerver de l'absence des oiseaux, pour la bonne cause, d'autres passeront sans forcer à côté du sujet (dommage), tandis que Birds of America nous fait découvrir l'urgence de la protection des oiseaux. Les dessins de Audubon sont assez méconnus en France (on n'en avait jamais entendu parler), aussi on apprend tout l'art du dessinateur dans la représentation de la faune, son esthétisme particulier qui a fait crier au scandale les naturalistes de l'époque, ses méthodes pour observer les oiseaux, son parcours à travers l'Amérique à la recherche des espèces, une boulimie de représentations des volatiles qu'on cerne peu à peu dans le documentaire. On aura tout de même quelques oiseaux vivants à voir succinctement, ceux des zoos dont les ailes sont coupées, rendus fous par les bruits du publics et par l'incapacité de voler librement, mais sont-ce encore des vrais "oiseaux" ?... Le réalisateur nous a donné sa réponse, qu'on connaissait avant même de poser la question. Avec son immense message écologique et son amour pour l'art de Audubon, le film de Jacques Loeuille a de la ressource, encore faut-il avoir envie d'entendre l'assourdissant signal d'alarme.