A partir du roman de Shannon Burke dans lequel ce dernier convoquait ses souvenirs d’ambulancier dans le quartier de Harlem durant les années 90, le réalisateur Jean-Stéphane Sauvaire en tire une chronique fiction ancrée dans la réalité de son quartier, celui de Bushwick, aujourd’hui. Une longue préparation au cours de laquelle Sauvaire suivit une équipe paramédicale de Brooklyn et une très courte période de tournage (23 jours) plus tard, Black Flies débarque sur les écrans, d’abord ceux du festival de Cannes 2023 où il fut froidement accueilli par ses spectateurs, puis un an plus tard à l’international avec une réception guère plus enthousiaste. Le résultat est pourtant non dénué de qualité. La première d’entre elles est son vérisme, chaque situation présentée ayant été réellement vécue par Sauvaire lors de son immersion ou par Burke lui-même. Le spectateur est d’ailleurs placé au cœur de l’action par une réalisation à l’épaule et un montage restituant l’urgence des interventions. C’est cette énergie qui porte le film, au même titre que les acteurs et notamment le (toujours) fiévreux Sean Penn. L’autre force de Black Flies est son sujet. Le quotidien des ambulanciers n’a jamais bénéficié des faveurs du cinéma si ce n’est celles de Martin Scorsese avec le remarquable et encore méconnu A Tombeau Ouvert. Pourtant, comme le déclare très justement Jean-Stéphane Sauvaire en interview, ce métier offre une porte d’entrée idéale vers les entrailles d’une ville et la misère sociale qu’elle abrite. Une profession exigeante humainement qui se mue donc en profession de foi selon le réalisateur, qui l'illustre de manière trop littérale. Alors que dans A Tombeau Ouvert, l’iconographie religieuse servait admirablement de contre-point au trip sous acide concocté par Scorsese, dans Black Flies, celle-ci vient surligner le désarroi des personnages de manière fort peu subtile et sans grâce. Là est le seul vrai défaut du film. Mais quel défaut !