Coming out of Africa
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le 28 févr. 2018
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Tonytruand dernier film de la troisième phase du MCU, premier film Marvel de 2018, Black Panther a été ovationné par les lobbies noirs et salué par bon nombre de spectateurs.
On le dit l'enfin premier film qui donne la voix au chapitre à la négritude au cinéma. Il l'est, comme nous allons le voir, il ne l'est pas, blaxploitation et Cosby, Prince de Bel air et Eddie Murphy's Shows obligent.
Wakanda ou la parole libérée
L'histoire se déroule majoritairement au Wakanda - rien à voir avec le Waka de Shakira, même si le nom peut y faire songer.
Et ce Wakanda est essentiel car il est métaphorique. Sorte de nouvel Asgard dissimulé sur terre aux sources géographiques du peuple noir, que T'Challa identifie envers et contre tous comme l'origine de l'Humanité tout entière, le royaume de Black Panther symbolise le bon peuple noir en quête d'une paix mondiale. Ce peuple noir n'est pas autant écouté que la minorité noire raciste qu'incarne Killmonger, l'autre prétendant au trône du Wakanda. Terré dans le silence, souvent à cause des mauvais noirs, souvent à cause de la domination blanche, ce bon peuple noir a décidé de prendre la parole et d'offrir à un monde centré sur les hommes blancs leur propre vision du monde. Un monde noir où l'on trouve les mêmes pacifistes et les mêmes fanatiques que celui des blancs. La couleur de peau et selon, son hégémonie ou sa soumission, seules changent la donne.
Le Wakanda est accusé de s'être tu et d'avoir laissé le fanatisme blanc, incarné par Ulysse Klaue, et le fanatisme noir, incarné par Killmonger, manipulé le reste de la race humaine. Les empêchés de parole s'expriment, la parole est libérée, comme le dit si bien un discours à la mode. Ce nouveau discours sera certes accueilli avec condescendance - voir la première scène post-générique - mais elle est cruciale pour sortir le monde d'aujourd'hui du fanatisme de demain.
Finie l'opposition gaullienne entre patriotisme et nationalisme, fini les regards en chiens de faïence du "Pour vivre heureux, vivons cachés et en communauté" et du "Tuons les sales colons blancs !" du Ku Klux Klang maronné. L'heure est au "Vivre ensemble".
Le Wakanda et sa problématique d'ouverture sur le monde est donc avant tout un beau plaidoyer pour le cosmopolitisme, contre l'intolérance, qui cherche à briser les écrans de fumée des gens de haine en associant à la vision blanche du monde véhiculée majoritairement jusqu'ici son pendant noir. Pour que le Mal ne puisse plus se cacher dans les plis d'une vision unique.
C'est une très belle idée. Très éculée, mais évoquée ici avec plus de subtilité que d'ordinaire.
C'est une très belle idée. A ceci près qu'elle est mal illustrée: son traitement n'est pas à l'oeuvre dans le film.
Bowling for Co(lo)mbine: le racisme renversé
Le défaut de Black Panther, pourtant porteur d'un message unificateur, c'est de tomber dans les marasmes du cliché ségrégationniste qui s'appuie sur une vieille réalité.
En fait, Black Panther suit à la virgule près le Bowling for Colombine de Moore et se lance dans la condamnation des marchands d'armes - d'où la présence d'Ulysse Klaue, en rien utile sans cela - et dans le retournement du modèle "raciste" pointé par notre caméraman corpulent bienpensant préféré; Selon Moore, les acteurs noirs sont cantonnés à des rôles de criminels, de petites frappes ou à des rôles secondaires. Il n'a sans doute pas vu ou pas voulu voir Le Flic de Beverly Hills, Le Dr Dolittle, où Eddie Murphy s'impose en héros tête d'affiche et s'empare d'un ancien rôle de Rex Harrison. Cela sans compter Shaft et sans noter l'évolution des rôles de Will Smith qui, las de jouer les gentils J, James West et Captain Hiller, préfère jouer les antagonistes de Batman.
Black Panther, qui aurait pu ingénieusement partir d'un film 100 % acteurs et actrices noirs pour progressivement, insensiblement le métisser d'un nombre égal d'acteurs et d'actrices blancs fin de mieux mimer l'évolution des conscience à laquelle appelle le nouveau Roi du Wakanda, se contente de suivre le vade-mecum inversé de Michael Moore. En d'autres termes, les personnages blancs ne sont des rôles secondaires à l'exception de trois figures déjà vues ou entraperçues du MCU. Il s'agit en particulier de Martin Freeman, alias l'anecdotique agent Ross de la CIA dans Captain America Civil War qui, s'il apporte beaucoup au film, conserve son jeu usuel de brave type un peu perdu. Il s'agit aussi d'Andy Serkis alias Ulysse Klaue, le marchand d'armes attaqué par Ultron dans Avengers 2, qu'au demeurant, votre serviteur pensait déjà mort. C'est dire, si ce personnage fut marquant, c'est dire si sa mort simpliste et son court passage dans Black Panther change la face de l'univers du MCU. Criminel parce que campé par un blanc, il sert en réalité à cacher le véritable antagoniste du film: c'est un faire-valoir. Les deux vedettes du Hobbit, qui se retrouve le temps d'une ou deux scènes pourraient être les seules, s'il n'y avait pas in extremis un caméo de Sebastian Stan aussi surpris d'être présent que ne l'est son personnage (ironiquement surnommé Loup Blanc, pour gagner à être connu ?) et une apparition hitchcockienne d'usage de Stan Lee dans un rôle de joueur de casino cupide.
En somme, Black Panther met en avant de belles idées mais ne les met malheureusement pas en pratique.
Point positif ou négatif du film - selon variera selon les attentes de chacun - son assourdissante intertextualité.
Excellent spectacle, bon moment de divertissement intelligent, Black Panther constitue un charmant patchwork du Roi Lion et de La Menace Fantôme.
Le Roi Panthère
C'aurait pu être Le Jaguar, c'aurait pu être L'Homme Puma, ça lorgne par instants du côté de L'Emprise des Ténèbres.
Mais dès les premières secondes du film, l'on comprend que l'une des deux sources principales de Black Panther est le chef-d'oeuvre de DIsney, Le Roi Lion.
Le film s'ouvre sur le récit étiologique du Wakanda transmis à T'Challa par son père. Un père que le héros retrouvera sous l'aspect d'un spectre du monde des âmes,spectre que lui permet de voir Zuri, Forest Whitaker (décidément de passage dans toutes les sagas possibles) semi Zazu semi Rafiki.
La nouveauté réside dans le fait que, cette fois, ce n'est pas l'oncle qui tue le père du héros mais bien le père qui a tué l'oncle du héros, créant ainsi un cousin maléfique.
On appréciera les efforts de cet écart esthétique mais Black Panther ne soutiendra pas la comparaison avec son modèle animé. Bien au contraire, les sentiments forts des aventures de Simba sont absents des exploits de T'Challa du fait du déjà très blâmé humour marvelien qui ne laisse aucun espace au pathos. A l'image d'une scène a priori émouvante ponctué par le roi allié qui bâille et demande si on ne peut pas passer à autre chose.
A long time ago, in a Wakanda far far away ...
Mais la source qui crève les yeux, c'est à n'en pas douter La Menace fantôme, premier volet de la Prélogie Star Wars.
Lorsque s'allument les boucliers laser des Wakandais, on pense à ceux des Gungans. Le méchant scarifié Killmonger imite de loin Dark Maul. L'affrontement dans les tréfonds hyper-futuristes du Wakanda n'est pas sans rappeler celui de Thor et Locki à la fin de Thor, certes, mais surtout celui qui oppose Dark Maul d'un côté, Kenobi et Gon-Jinn de l'autre. Lorsqu'un système contraint les deux adversaires à se regarder comme à travers les murs laser qui séparent le calme jedi et le belliqueux sith, la comparaison devient limpide.
Et pourtant, nombreux sont les autres indices ! De Killmonger, l'enfant abandonné, au service du trafiquant de ferraille Klaue, qui singent Anakin Skywalker et son maître Watto, à la mésentente dans le même royaume de deux tribus, celles de T'Challa et M'Baku ou celles de Padmé Amidala et de Boss Nass, qui vont se réconcilier face à un ennemi commun, en passant par a posture de T'Challa et Zuri semblable à celle de Mace Windu et Yoda, tout indique les nombreux liens qu'entretiennent les deux films. Que dire, par exemple, de l'Agent Ross contraint de rester caché qui pilote un vaisseau pour détruire ceux de Killmonger ? Sinon que cette scène est la parfaite décalcomanie d'une scène de La Menace fantôme où le jeune Anakin, à qui on a donné l'ordre de se cacher, part en vaisseau détruire la base de la Confédération du Commerce ?
Il n'est pas nouveau de trouver des allusions à Star Wars dans un Marvel. Mais ici la dose a été largement dépassée !
Ce ne sont pourtant pas ces références que les médias et de nombreux spectateurs ont privilégiées. Dès la sortie du film, l'on entendait dire que Black Panther était le James Bond de Marvel.
Pour éviter l'écueil du James Bond noir - qui rejoint une remarque développée plus haut - on se bornera à rappeler aux newbondies que, non, on n'a pas vu tout James Bond quand on a vu Spectre et Skyfall. Car, en effet, les liens avec 007 sont ténus et tiennent en deux scènes sur un film de 2h14min. Ce qui est peu.
Il s'agit d'une scène dans un casino oriental qui pastiche le casino macanais de Skyfall et d'une autre scène de laboratoire où la soeur du héros, génie en développement technologique, présente différents gadgets. Cette dernière scène, poncif bondien, est traitée à la manière de Spectre qui, lui-même, revisitait cet incontournable à la sauce Dark Knight.
Il y a donc dans ce pastiche de Bond nolanisant plus de Nolan que de James Bond...
Cependant, il n'est pas faux d'affirmer que l'on peut trouver dans Black Panther, outre le casino aux chandelles, un soupçon intéressant de Skyfall.
La devise du 23e opus de la célèbre franchise d'EON "Le vieux singe avec les nouvelles grimaces" est remplacé par un symbole plus plastique: une vieille hache millénaire qui, convenablement maniée, s'avère un bijou de technologie wakandaise en vibranium.
S'il préfère à juste titre la création de nouveaux personnages fondamentalement noirs à la transformation de personnages clefs blancs en personnages noirs, Black Panther cherche surtout à suivre le choix des nouveaux James Bond et chercher un équilibre entre tradition et modernité. A l'image de son royaume fabuleux qui hésite entre rester occulte et se dévoiler à la face du monde, qui raille le caractère primaire des armes à feu mais utilise des lances tribales. Cette quête d'une harmonie générationnelle poursuit l'appel à l'harmonie entre les peuples. Et c'est ce qui fait la beauté, naïve, de Black Panther. Le film appelle un retour à l'âge primaire, non celui des guerres mais celui de l'enfance, à la fois primitif et incroyablement futuriste.
Un bon film donc, plébiscité pour de mauvaises raisons, porteurs de beaux messages mais hélas peu enclin à donner lui-même l'exemple.
Comme une Bagheera menant les petits d'homme du XXIe siècle au village des hommes, loin de la haine des Shere Koran, des Kaa et Roi Louïe de toutes les religions et de tous les athéismes.
Mais aussi comme un adjudant Gerber qui envoie ses hommes à l'attaque, restant en arrière en disant: "allez-y, mes petits, je vous couvre !"
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes MCU, Au bout d'une heure de film ..., Box-Office Mondial Historique (avec l'inflation) et Box-office Mondial 2018
Créée
le 11 juin 2018
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