La hype autour de Black Panther me laisse perplexe : car outre ses superbes résultats au box-office, la majorité de commentaires élogieux (ou tout du moins positifs) à son égard me paraissent quelque peu disproportionnés. Non pas qu’il faille lui ôter le mérite d’accoucher d’un bon film dédié, chose qu’il accompli avec une certaine réussite, mais je ne comprends pas en quoi celui-ci serait parvenu à sortir du moule « MCU » : avant d’aborder la question des écueils de fond, dans un sens plus générique, il s’agirait donc de revenir sur le « phénomène culturel » qu’induirait prétendument le long-métrage de Ryan Coogler.


Il faut dire que son statut iconique de super-héros noir invoque un sacré passif, l’esclavagisme, l’Afrique et les mouvements sociaux attenants accroissant à n’en plus finir la portée du personnage de Stan Lee et Jack Kirby : dans cet ordre d’idée, l’adaptation cinématographique épouse avec logique l’univers du comics (casting de couleur, décors et ambiance résolument africains) et dénote à l’échelle de la production hollywoodienne actuelle (sans oublier le cas du whitewashing). Mais pour autant, Black Panther constitue-t-il une véritable « révolution » ?


En bref : pas vraiment. Certes, le Wakanda offre un cadre d’action sortant un peu de l’ordinaire, ce havre fantasmé alliant futurisme et un esthétisme renvoyant aux racines des lieux, mais le ressenti général ne diffère guère de toute autre cité idyllique (transposée ailleurs dans l’espace, Asie ou que sais-je). De prime abord, la vraisemblance quant à l’existence d’une telle nation (façade pauvre, envers florissant à tout point de vue) était de surcroît très faible, d’autant plus que son insertion dans le MCU (déjà très encombré) ajoute à la confusion du spectateur ; jouant beaucoup sur la politique isolationniste du Wakanda, le film avait enfin beaucoup de matière en termes de répercussions globales, mais il s’en tiendra à une facétie facile (le sourire en coin final de T’Challa) et des enjeux rachitiques proprement exagérés (ce ne sont pas des armes, aussi évoluées soient-elles, distribuées ci et là qui vont mettre le monde à feu et à sang).


Tout n’est pas à jeter bien sûr, Black Panther s’arrogeant par exemple un semblant de féminisme bienvenu, mais là encore il y avait matière à mieux faire : la frangine se cantonne à un rôle de support matériel sans faille (grosses ficelles), la facette guerrière d’Okoye nous fait l’effet d’un mirage fait de grosses tatanes et, comme bien souvent, la gouvernance du royaume échoit quoi qu’il arrive à un homme. Cependant, la figure indépendante de Nakia est aussi irréprochable que bien sentie, celle-ci outrepassant l’étiquette de GF sans défense, lisse et destinée à mettre en valeur son BF héroïque.


Quant aux tribulations même de T’Challa, Black Panther n’offre pas grand-chose de neuf : à l’échelle de la filmo’ Marvel le constat serait sensiblement différent, au moyen de son fameux héritage culturel, mais même ce pan graphique/atmosphérique vire au bout du compte à la redite. De nombreux parallèle avec Le Roi Lion abondent en ce sens, les séquences oniriques liées à l’herbe-cœur en attestant, ou plus symboliquement le récit d’initiation/succession ; pis encore, celui-ci est factuellement empreint d’une prévisibilité des plus certaines, les desseins vengeurs de Killmonger ne surprenant que par le biais du devenir d’Ulysse Klaue.


Enfin, la bataille finale cristallise les errements du tout, ce méli-mélo d’intérêts divergents (sans que l’on sache vraiment pourquoi) n’illustrant que trop bien les paresses de l’intrigue : W’Kabi (Daniel Kaluuya) est ainsi un bel échec (il agit comme un môme boudeur) ; le coup des rhinocéros cuirassés débarquant comme par magie en un claquement de doigts prête à sourire (de dépit) ; déjà peu convaincu à son sujet, l’agent Ross confirme son rôle « d’ustensile-témoin » ; la tribu des Jabari est aussi décevante à souhait, ce clan présenté comme étant en marge se muant finalement en un simple comic relief, sabordant de la sorte la crédibilité de l’origin story du Wakanda.


Considérant toutes ces maladresses de fond, Black Panther échoue donc à vraiment rejoindre les meilleurs films Marvel, mais sans pour autant virer à la débandade : perfectible, l’antagoniste qu’est Killmonger demeure une bonne surprise de par l’ambivalence qu’il invoque (pour son propre compte, mais aussi celle des pontes du Wakanda), un état de fait inhérent à la prestation d’un charismatique Michael B. Jordan. D’ailleurs, le casting s’en sort avec les honneurs à l’image d’un Chadwick Boseman des plus sympathiques, bien qu’il faille occulter les performances plus anecdotiques de diverses figures secondaires (Kaluuya, Freeman) ; fort heureusement, le visage féministe du film tient en grande partie au renfort de Lupita Nyong’o et Danai Gurira (pour ne citer qu’elles), qui tiendront de bout en bout la dragée haute à leurs confrères masculins.


Formellement, la réalisation de Coogler dispose aussi d’atouts probants, quelques plans-séquence attestant d’une certaine volonté d’échapper à un giron formaté : ceux-ci sont en ce sens aussi impressionnants que bien sentis, de quoi conférer à l’action une dimension très immersive, tandis que si les songes oniriques de T’Challa souffrent de leur inspiration identifiable entre mille, ces plans demeurent de belles démonstrations esthétiques. Pour terminer, petite déception en ce qui concerne la BO (elle-même placée sous le signe de la hype), la compo de Kendrick Lamar et consorts ne sortant finalement pas du lot (ce n’est qu’une fois arrivé au générique de clôture que le fait m’a sauté aux oreilles).


À défaut d’être aussi novateur qu’escompté, Black Panther constitue envers et contre tout un petit divertissement plaisant : dommage à présent qu’il pâtisse de la sorte de nombreuses limites, pour ne pas dire idioties, toutes imputables à un scénario paresseux.

NiERONiMO
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le 19 mars 2018

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