J’avais été fortement impressionnée par Black Swan lors de sa sortie en salle — surement car vu mon âge, c’est sans doute le premier thriller psychologique traitant de la folie que j’ai vu sur grand écran, c'est donc avec plaisir que j’ai confronté ma mémoire à l'épreuve du temps et de l'expérience lors de son récent passage en salle. Entre-temps je n'ai toujours pas vu La Mouche mais j'ai vu l'incroyable Perfect Blue de Satoshi Kon et les magnifiques Chaussons rouges de Michael Powell et Emeric Pressburger. Si j’en vois les convergences, ces films présentent également chacun un profil bien distinct, que ce soit au niveau du contexte ou tout simplement de la cinématographie — les techniques de l'époque ou le medium offrant d’autres perspective. Darren Aronofsky utilise pour son film les effets visuels réel comme numérique avec succès — comme cette texture de peau chair de poule (enfin cher de cygne), mais surtout travaille un mixage sonore captivant. La bande-son qui mélange opéra et bruissement de rires et de plumes, de frottement de peau et raclement d'ergots, d'éclats de cris, fait monter efficacement la tension et l'oppression mentale et physique de son personnage. Le film est clairement une relecture et une mise en abyme moderne du lac des cygnes, en renforçant la thématique ici malsaine de la soi-disante pureté féminine et de la perte du soi au nom de l'art. Nina est maintenue par sa mère dans un statut infantile, soumis et pur. C’est une relation hautement toxique et abusive qui contribue d'autant plus à son instabilité et son immaturité mentale et émotionnelle. La transformation vocale de Natalie Portman pour le rôle de Nina est ici parfaitement modelée pour compléter son personnage. Face à elle, Mila Kunis dévore l'espace par sa présence, malgré un développement de personnage plus limité. L’issue tragique ne fait pas de doute mais n'en est pas moins fascinante.