En 2010, Iron Man 2 sort au cinéma et nous introduit le personnage de Black Widow. Une infiltration en douceur dans le Marvel Cinematic Universe (MCU), qui permet à Natasha Romanoff de s’emparer discrètement d’une place de choix parmi les Avengers. Sa présence est d’abord discrète, opérant dans l’ombre, mais elle devient rapidement une pièce maîtresse des braquages super-héroïques du MCU. Malgré ses nombreuses apparitions en tant que soutien logistique et atout tactique des autres héros, l’idée de lui offrir un casse en solo est longtemps restée sous clé dans les coffres de MARVEL.
En 2017, Kevin Feige et Scarlett Johansson reviennent sur le coup et remettent en marche la mécanique bien huilée d’un film solo. La mission est confiée à Jac Schaeffer, une scénariste encore inconnue, qui doit rédiger la première version du script. Un choix qui ressemble à un pari risqué : embaucher une cambrioleuse sans expérience pour orchestrer un casse de cette envergure peut sembler imprudent. Mais au moins, le plan est sur la table, et les plans commencent à prendre forme.
Il faut maintenant un maître d’œuvre pour ce coup de haut vol. Pas un réalisateur, mais une réalisatrice. Scarlett Johansson, qui tient les rênes du projet en tant que productrice, choisit Cate Shortland après avoir visionné son film Lore.
Le film sera placé à l’avant-poste de la Phase 4 du MCU, ouvrant la porte à The Multiverse Saga. Une place ambitieuse, mais un obstacle majeur se dresse sur la route, le personnage de Black Widow est morte dans Avengers : Endgame.
Une impasse scénaristique qui oblige l’équipe à se creuser la tête pour élaborer un plan de secours. L’option choisie est celle du flashback : l’histoire se déroulera après Captain America : Civil War, un moment où Natasha est en cavale, fuyant les autorités comme une voleuse en fuite après un braquage mal tourné.
C’est ici qu’intervient Eric Pearson, chargé de réécrire le scénario et de peaufiner les plans. Mais Eric Pearson a déjà prouvé qu’il n’était pas un expert des opérations complexes. Il a saccagé Thor : Ragnarok et, avec lui, toute chance de voir un jour une adaptation fidèle du comics Planet Hulk. Un saboteur, un faussaire qui maquille l’histoire selon ses propres méthodes, au risque de compromettre l’ensemble de l’opération.
Prévu pour le printemps 2020, le film est freiné dans son élan par la pandémie de COVID-19. Plusieurs reports plus tard, l’industrie du cinéma est encore prise au piège des restrictions, et le film se retrouve coincé dans un coffre-fort dont la combinaison semble constamment changer.
En 2021, Black Widow finit par sortir, mais avec une subtilité : il se glisse en salle tout en s’infiltrant discrètement sur Disney + via le programme Accès Premium. Une double sortie visant à maximiser les gains tout en échappant aux restrictions du marché cinématographique.
Après une petite introduction, le film débute sur une note sombre et immersive, avec un générique marquant. Sur une reprise de Smells Like Teen Spirit de Nirvana, le spectateur découvre les horreurs de la Chambre Rouge à travers un montage hypnotique. Des images de fillettes terrifiées sous la menace d’armes à feu, de jouets abandonnés au sol, et de jeunes recrues forcées à assimiler des connaissances dans le seul but d’être des agents infiltrées. Ce passage est un véritable dossier classifié sur la brutalité du programme des Widow, illustrant leur conditionnement et les expériences qu’elles ont dû subir. Le générique va même plus loin en suggérant l’influence de la Chambre Rouge sur la scène politique mondiale, montrant le général Dreykov (antagoniste fantôme) en présence de figures historiques comme Boris Eltsine, Bill Clinton ou Vladimir Poutine.
Mais après cette introduction glaçante, le film prend une direction plus classique et adopte une certaine légèreté qui tranche radicalement avec son générique. Les scènes d’action qui ponctuent le récit, bien que spectaculaires, peinent à marquer durablement les esprits. Seule une course-poursuite effrénée en plein cœur de la ville parvient à se démarquer, rappelant les scènes de filature et d’évasion des meilleurs thrillers d’espionnage.
Finalement, le film semble avoir une seule mission : introduire Florence Pugh en White Widow, la nouvelle Black Widow. Une simple passation de relais déguisée en film solo, destinée à assurer la continuité du MCU après la disparition de Natasha Romanoff. Une méthode qui ressemble à une manœuvre stratégique, mais qui manque cruellement d’authenticité.
Le casting est renforcé par David Harbour et Rachel Weisz, qui complètent cette fausse famille d’espions. Plutôt que de mettre en avant la noirceur et la cruauté de la Chambre Rouge, leur présence (surtout celle de David Harbour en Red Guardian) injecte une dose d’humour grossier qui nuit à l’ensemble. Une stratégie qui semble être l’œuvre d’Eric Pearson, décidément peu adepte des intrigues sombres et réalistes.
Si Cate Shortland, habituée à filmer des parcours féminins atypiques, excelle dans la mise en scène des conflits familiaux, ici, cela tombe à plat. La famille de Natasha dans ce film apparaît comme une simple façade, alors que sa véritable famille était celle des Avengers. Une approche qui rend le drame familial peu engageant, réduisant l’impact émotionnel du récit.
Pire encore, le film souffre d’un manque cruel d’enjeux et d’engagement. Sachant déjà le destin tragique de Natasha, le suspense est inexistant. Ce film ressemble plus à un cadeau fait à Scarlett Johansson pour ses années de service dans le MCU qu’à une véritable aventure palpitante.
Un cadeau qui tourne au fiasco, car après la sortie du film, Scarlett Johansson engage des poursuites judiciaires contre MARVEL, les accusant d’avoir réduit ses revenus en proposant Black Widow en streaming dès sa sortie. Une conclusion amère, à l’image de l’arc narratif de Natasha Romanoff dans le MCU : une mission avortée, un potentiel gâché, et une fin en queue de poisson.
Black Widow est un film qui ressemble à une mission sans véritable objectif, une opération montée trop tard et exécutée sans conviction. Entre un scénario sans tension, des personnages secondaires qui ne servent à rien et un enjeu inexistant vu le destin déjà scellé de Natasha, le film s’apparente davantage à une manœuvre stratégique du MCU qu’à un hommage sincère au personnage. Un baroud d’honneur fade, qui n’aura marqué ni les esprits ni l’histoire du genre, et qui se termine sur une note amère avec la bataille judiciaire entre Scarlett Johansson et Disney. Un épilogue raté pour une héroïne qui méritait bien mieux.