Tout cinéma est politique
La citation, usée et abusée n'a plus besoin de s’affirmer. Chacun s'y accorde : tout film comporte un message politique. Pourtant la classification "film politique" est employée chaque jour.
Spike Lee reconnu comme le défenseur des afros-américains ne déroge pas à la règle.
Premier Spike Lee Joint de l'ère Trump BlacKkKlansman poursuit la thématique de son auteur.
Le pitch ("based on real fact bro") est idéal : Ron Stallworth, nouvel recrue de la police Colorado Springs décide d'infiltrer le Ku Klux Klan. Problème : Ron a du mal avec le videur du KKK du fait de sa couleur de peau. La stratégie est simple: le policier séduira les chevaliers blancs au téléphone. Pendant ce temps, son collègue blanc prendra sa place lors des réunions publiques.
Reconnaissons le, un tel pitch est idéal pour Mr.Lee, la portée politique est clair, les lignes de suspense déjà tracées. Le spectateur venu réconforter son dégout pour le racisme sera satisfait. Les membres du KKK sont dépeints comme des imbéciles au potentiel tantôt comique tantôt dramatique. Mais là où le réalisateur malin, c'est que rien n'est tout noir ou tout blanc (jeu de mots involontaire, passez le moi le blanco); le bad cop côtoie le good cop, et les noirs n'adoptent pas toujours la stratégie la plus judicieuse. 30 ans après Do The Right Thing, Spike continue de modérer son message pour ne pas sombrer dans la propagande. La portée politique du film est accomplie, le message est passé.
Mais là où le bas blesse, c'est sur le film lui-même. Malgré la réussite du divertissement, le langage cinématographique n'est que rarement exploité. Le message politique se veut trop claire,le film en pert de sa superbe. Point d'orgue de ce gâchis : la dernière séquence du film surexploitant les stock-shots. Le réalisateur nous ressert les défilés nazis et la tuerie de Charlotlesville, preuve vidéo à la clé. Cette démarche, si elle peut s'avérer efficace, est ennuyeuse pour les passionnés de bobine. Le film est réduit à un reportage, l'art à un média. L'amateur de forme qu'est le cinéphile est alors déçu. Spike Lee qui a parfois pu se rapprocher d'un Costa Gavras dans l'équilibre fond/forme, se retrouve alors en Steve Bannon, le propos passe, le film moins.