Blade of Fury
7.6
Blade of Fury

Film de Sammo Hung (1993)

C'était dans une époque déjà fort reculée, dans mes lointains et heureux souvenirs de jeunesse, un temps où je dépensais mon maigre argent de poche et mes quelques deniers durement gagnés pour me payer un magazine qui me plongeait dans un monde alors totalement inconnu et qui m'ouvrit la porte vers quelques merveilles inestimables. Le très irrégulier et fortement désiré magazine "HK Orient Extreme Cinema". Je dois à ces quelques pages la découverte du "Syndicat du Crime" et de "The Killer", je lui dois l'envie extrêmement forte de dénicher "Zu, Les Guerriers de la Montagne Magique" et "The Blade", je lui dois ma vhs usée jusqu'au plastique de "Operation Scorpio", qui après "Drunken Master 2", allait signer mon addiction pour ce cinéma aux qualités tant esthétiques que sacrément jouissives. Et c'est par le biais de ce magazine que j'avais pris connaissance avec enthousiasme de ce "Blade of Fury", un film enterré dans ma mémoire et qui ressortit soudain alors que je dénichai récemment le dvd.

Regardé hier, aussitôt entré dans mon top 10.

Sammo Hung, que je pensais déjà connaitre il y a une dizaine d'années et qui n'a pourtant de cesse de me dévoiler de nouvelles perles, est décidément un réalisateur sidérant, aussi bien dans ses chorégraphies incroyables que dans le placement de ses savoureuses ambiances ambrées ou dans la construction affectueuse de vrais personnages réellement attachants.
Virtuose de l'art et de la mise en scène du combat, Sammo l'est à n'en pas douter. Il suffit pour ça de citer le presque parfait "The Prodigal Son" pour avoir un exemple de sa folie déchaînée ou d'évoquer "Warriors Two" pour un aperçu de ce qui s'est peut être fait de plus incroyablement maîtrisé et précis dans la tabasse sans câbles.
Ici, c'est à l'art du Wu-Xia-Pian que Sammo prête sa fougue, et il pond dans une émulsion défoulatoire et émouvante un film que je me risquerai à placer sur le même piédestal homérique que le merveilleusement explosif "The Blade" de Tsui Hark ou le terriblement fou et fort "Duel to the Death" de Ching Siu-tung.

Le film est construit dans un rythme effréné, taillé tant dans la défoule que dans la forge de vraies personnalités et d'atmosphères incomparables, jouant sur les teintes et les lumières, faisant doucement danser dans l'air lueurs et papiers déchirés, voiles, rideaux et feuilles mortes avant d'exploser dans la valse des têtes et la danse des corps démembrés. Le film enchaîne avec une frénésie rare combats à l'arme blanche et face à face à mains nues, le tout filmé avec un art du traveling réglé à la perfection, secondé par une ambiance musicale au thème réellement envoûtant, mettant en scène ses duels avec une force pure rarement éprouvée.
Je me suis surpris à plusieurs reprises à remettre certains passages plusieurs fois de suite, et rien que d'en parler, j'ai envie de me relancer le dvd.
La scène du tournois reste pour le moins excellente, tombant à point nommé pour varier un peu en marquant une pointe de pause euphorique dans une mer tempétueuse de duels enragés au sabre, offrant une suite de chorégraphies démentes avant l’interruption attendue, deux maîtres dans l'art de la frappe se faisant face, et la sentence qui-fout-des-frissons-de plaisir-dans-le-dos "Maintenant on passe aux choses sérieuses" sous couvert de détonations musicales ordonnant le départ d'une éruption tumultueuse pour une caméra gérée au millimètre, oeil gargantuesque montrant cette improbable euphorie volcanique... ça n'a pas de prix.

S'en suivent multitudes de combats à la lame et situations parfois cocasses, parfois cruelles, dans des décors absolument magnifiques, vers une seconde apparition plus que charmante d'un Sammo fidèle à lui même et un final au légers tons d'un ouragan force 5.
C'est jouissif, c'est furieusement explosif, c'est beau, empli d'instants d'une poésie folle, c'est superbement bien mené, taillant des personnages forts, tant masculins que féminins, imprégnés de leurs rôles et offrant une interprétation parfaite et ça peut même réussir à tirer un semblant de petite larme si on se laisse entraîner complètement dedans (rien à foutre).

Une suite de tableaux en mouvement superbement dépeints avec un tranchant furieux et une larme lyrique. Une oeuvre qui montre que Sammo le charmant bouffon, Sammo le jovial fanfaron sait aussi se muer en un délicieux conteur d'histoires, profondes et puissantes, dessinant la cruauté et la trahison dans une violence rare et une portée épique de haut vol. Certainement pas aisément accessible pour tous, c'est pourtant une fresque qui se permet tous les excès esthétiques en les sublimant magnifiquement. C'est un chef d'oeuvre.

Créée

le 25 juil. 2013

Modifiée

le 25 juil. 2013

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zombiraptor

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