Avec Blade Runner 2049, Denis Villeneuve évolue très consciemment en terrain miné : Blade Runner, l'original, est encore considéré aujourd'hui comme le firmament du film noir futuriste, un genre cinématographique qu'il a lui-même créé. Rivaliser avec l'imaginaire bouillonnant de Ridley Scott, Jordan Cronenweth, Douglas Trumbull, Syd Mead, David L. Snyder et Lawrence G. Paull étant impossible, Villeneuve s'engage immédiatement dans une autre voie, et s'efforce de compléter le long-métrage original (ou plutôt son Final Cut) sans jamais l'affronter. Alors que les suites révisionnistes sont aujourd'hui monnaie courante, Blade Runner 2049 parvient, et c'est déjà un miracle, à développer le propos de son modèle sans avoir à l'éclairer sous un nouvel angle. Par une blague très intelligemment écrite, glissée dans un échange entre les personnages de Ryan Gosling et Harrison Ford, la séquelle évacue par exemple l'un des débats centraux du classique de Scott, pour mieux le laisser à l'opinion du spectateur. Synthétique, Deckard ? Si la possibilité n'est pas écartée, elle ne sera pas plus confirmée ici que dans les nombreux montages du premier opus...


Très frontal dans son traitement du sexe et de la violence, sans pour autant jamais sombrer dans la vulgarité et le discours puéril de la plupart des blockbusters R récents, Blade Runner 2049 repose les fondamentaux d'une vraie science-fiction pour adultes, sous haute influence littéraire. Fuyant les formules hollywoodiennes, Villeneuve semble même jouer à la roulette russe d'un point de vue commercial. Les scènes d'action ,percutentes et stylisées, sont l'antithèse des morceaux de bravoure à rallonge que l'industrie chorégraphie à longueur de temps. Villeneuve opte au contraire pour un découpage sec, une brutalité soudaine et des contrepoints systématiques en termes de mise en scène, éclairant les événements sous un angle émotionnellement décalé. Très concentré sur son exposition, le cinéaste s'intéresse aussi davantage aux silences de ses protagonistes qu'à leurs dialogues effectifs...


Si le cœur du Blade Runner bat bien dans ce 2049, il ne faut pas s’y méprendre, Villeneuve a su respecter une autre fondation du culte : la modernité. En utilisant à bon escient le numérique, en construisant en dur au maximum les décors, le cinéaste se fait bon élève et va aussi loin que possible pour créer des décors époustouflants avec des atmosphères visuelles qui resteront longtemps gravées sur les rétines. Pas de fonds bleus évidents ici, les effets spéciaux sont au service du récit et non l’inverse, tendance pénible des blockbusters contemporains. L’ambiance sonore est également une réussite totale en rendant encore une fois justice au travail de Vangelis sans l’imiter...


Rendre justice : tel est le principal défaut du film et pas des moindres. On ne peut pas parler de Blade Runner 2049 sans poser quelques principes. Le film original, réalisé en 1982 par Ridley Scott ayant marqué d’une pierre blanche l’histoire du film d’anticipation, figurant même souvent dans les Top 10 des meilleurs films de ces 50 dernières années, Blade Runner n’a rien perdu de sa force et demeure un chef d’oeuvre encore aujourd’hui. 2049 est souvent prodigieux et pourtant, il est condamné de son plein gré à rester dans l’ombre de l’œuvre de Scott. Alors son destin se trouve sans doute dans la figure du passeur qu’incarne Ryan Gosling et dans laquelle se glisse discrètement Denis Villeneuve. Et si cette timidité ne permet pas au lyrisme si attendu de percer, elle est bouleversante d’humilité !!!

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le 22 oct. 2017

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Yoann_Carré

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