Blink Twice
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Blink Twice

Film de Zoë Kravitz (2024)

Le problème quand quelqu’un invente une « nouvelle forme », ou plus généralement, a une idée réellement originale, et rencontre un gros succès commercial, est que, on le sait, s’engouffrent à sa suite des opportunistes de moindre talent qui tentent de répéter ce qui devient très vite « une formule ». Blink Twice (un gimmick qui ne sert à rien, en fait, comme le fameux fauteuil rouge, Zoë Kravitz n’ayant visiblement jamais entendu parler du fusil de Tchekhov) est l’illustration parfaite de ce principe : avec son acolyte E.T. Feigenbaum au scénario, elle s’est visiblement dit qu’il était possible de reprendre in extenso le principe du formidable Get Out de Jordan Peele sans que personne ne remarque rien, ou du moins n’y trouve quelque chose à redire : un protagoniste auquel nous nous identifions (en galère pour des raisons de race / genre / condition sociale) se trouve plongé dans un monde qui n’est pas le sien, celui de l’argent et du pouvoir, avant de découvrir une réalité très sombre – largement basée sur des éléments fantastiques – et de basculer dans un processus de revanche sanglante. Bon, voilà le scénario presque écrit, merci, Jordan !

La GRANDE IDEE suivante est de remplacer les préjugés raciaux, au centre du travail de Peele, par le juste combat féministe contre le Patriarcat. Et pour se couvrir contre toute critique qui pourrait quand même advenir, faire du principal antagoniste l’un de ces milliardaires imbuvables et sociopathes que 99% des spectateurs devraient normalement haïr. Parsemons tout ça de critiques faciles sur le goût actuel des images flashy de vacances paradisiaques partagées sur Instagram, ajoutons un gloubi-boulga « psychanalytique » sur le bénéfice de l’oubli pour éliminer les traumas, et le tour est joué.

Sauf que, non, car il reste à réaliser le film, et là, Kravitz est tout sauf à son aise (on lui pardonne, elle débute). Montage catastrophique, prises de vue ressemblant à celles d’un film publicitaire, abus insupportable d’effets sonores visant à surligner le moindre événement, mauvaise gestion du rythme (on s’ennuie au moins un petit quart d’heure dans la première partie, celle qui est sensée exposer le contexte avant l’explosion inévitable qui s’ensuivra). Et quand « ça part en vrille », Kravitz et Feigenbaum manquent de la folie – et du courage – d’un Tarantino (auquel on aimerait penser !) quand il s’agit de glorifier cinématographiquement la violente revanche des victimes. Ne parlons même pas de la conclusion qui déconstruit l’édifice du film, la "morale de l’histoire" étant sauvée par la prise de pouvoir des victimes en utilisant les mêmes armes que leur oppresseurs.

C’est là une bien longue litanie de défauts, qui condamnent le film à un rejet sans appel. Et justifié. Pourtant, on peut aussi trouver ce petit nanard divertissant, et fermer les yeux sur toute cette bêtise pour apprécier des acteurs en surjeu permanent (c’est indiscutablement une bonne idée de confier le rôle de Slater, une ordure intégrale, à Channing Tatum, l’éternel bon garçon américain… même si ses limites d’acteur apparaissent vite), pour se réjouir de pas mal de petits détails stimulant notre imagination, et pour trépigner de joie lors du baston final (… même si Tarantino aurait évidemment transformé ça en moment grandiose de cinéma !).

S’il est assez ironique que la question soulevée par Slater fonctionne parfaitement, appliquée à Blink Twice (« pardonner ou oublier ? »), voici l’exemple parfait d’un « petit film de l’été » – période creuse pour les cinéphiles – capable de nous amuser pendant une heure et demi, à condition de laisser notre cerveau au vestiaire. Ce qui n’était sans doute pas l’ambition de Zoë Kravitz !

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/08/27/blink-twice-de-zoe-kravitz-pardonner-ou-oublier/

EricDebarnot
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le 27 août 2024

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Eric BBYoda

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