Un thriller psychologique divertissant et à la tension bien gérée ! La première moitié traîne un peu en longueur par moments et manque de rebondissements vraiment inattendus, mais la révélation principale du film fonctionne bien quand même. En effet, elle est beaucoup plus « simple » que ce à quoi on aurait pu s’attendre, mais l’horreur qu’elle suscite est d’autant plus grande qu’elle est basique, primaire, crue : cette révélation incarne une violence vicieuse et bestiale mais terriblement "banale", "ordinaire" et "réelle"… et donc particulièrement horrible et réaliste.
Cette domination et cette violence extrêmes, ce sont celles que les hommes peuvent exercer sur les femmes (et même aussi sur d’autres hommes, comme c’est représenté par le personnage de Lucas) à travers des mécanismes de persuasion, de manipulation et d’emprise, insidieusement mis en place pour imposer un "consentement" dénaturé à leurs victimes. Dans le film, ça s’exprime principalement par la drogue administrée par le roi "King" Slater et ses acolytes à leurs victimes pour leur faire oublier les sévices qu’ils leur font subir, et par les cadeaux, richesses et plaisirs superficiels dont Slater-Dionysos couvre ces dernières pour les leurrer, les aveugler et les inciter à rester auprès d’eux. Les répliques prononcées par les victimes droguées disséminées tout au long du film (comme "I’m having a great time.") se parent alors d’une ironie tragique encore plus dévastatrice, et cet Eden paradisiaque ne tarde pas à se transformer en prison dorée puis en véritable enfer.
Une des leçons à en tirer est évidemment de ne pas se fier aux apparences, comme c’est montré par le scénario en lui-même et par le profil des agresseurs (parmi ces derniers, on trouve des hommes qui ont "réussi dans la vie", cultivés, charmants, voire gentlemen… et même des individus d’apparence sympathique, débonnaire et inoffensive). Cette idée est aussi représentée de façon intéressante par l’opposition entre les fleurs et les serpents de l’île. Les fleurs et leur parfum, connotés positivement en apparence (car associés à la beauté, à l’exotisme, à la pureté et la sensualité), se révèlent négatifs en réalité (ce parfum-cadeau agréable et envoûtant est utilisé pour camoufler l’horreur de la situation et soustraire les héroïnes à leur volonté, leur conscience et leur liberté). A l’inverse, les serpents et leur venin sont au début conçus comme des éléments négatifs (associés au poison, au dégoût et à la peur, présentés comme un danger mortel), avant d’être révélés comme positifs (le venin devient finalement la clé pour rester en vie, un antidote protecteur et salvateur qui symbolise la nécessité de surmonter ses peurs pour éveiller sa conscience et affronter ses traumatismes… pour enfin pouvoir reprendre le contrôle et regagner sa liberté).
Mais le thriller psychologique prend aussi un tournant suite à sa révélation principale, pour s’engager dans une autre voie : le rape and revenge. On assiste à la revanche de nos héroïnes, ces nymphes en robes blanches fuyant les prédateurs nocturnes (lapins contre serpents) devenues amazones-chasseresses, ces femmes brisées qui parviennent à se relever et à trouver la force d’affronter leurs agresseurs pour éviter que d’autres victimes ne subissent le même sort et pour mettre fin à ces viols en série - quitte à y laisser la vie elles aussi. Les personnages masculins dépouillés de leur pouvoir d’emprise suite à la prise conscience des femmes apparaissent alors tels qu’ils sont réellement au fond d’eux-mêmes : pathétiques, stupides, lâches, faibles. La scène finale illustre particulièrement bien cette idée, avec un Slater autrefois "King" (ou plutôt en réalité roi déchu et en exil sur son île, ce petit paradis-état autoritaire sur lequel il était encore libre de faire régner sa loi) qui est enfin montré tel qu’il est vraiment – comme un "cloporte" insignifiant.