Une œuvre qui traite du déracinement culturel avec efficacité, dénonce des lois aberrantes sur l'expulsion d'adultes pourtant adoptés (et naturalisés) en toute légalité (comment ne pas sortir de la séance scandalisés par ces lois briseuses de familles...), servie par une Alicia Vikander et un Justin Chon en forme. Malheureusement, Blue Bayou s'emballe un peu trop dans son côté drama, il tire beaucoup trop sur la corde sensible avec des scènes violons-kleenex peu fines (on pourrait presque voir apparaître un sous-titre : "Attention, sortez vos mouchoirs"). Ce forcing lacrymal aura fait que la petite larme (pourtant si facile à dégainer, pour notre part) n'aura pas coulé, dommage, car avec plus de retenue et de finesse, il y avait de quoi faire s'éplorer copieusement. On pense notamment à toute la fin très prévisible, très tire-larmes... Ce qui s'ajoute à une pelleté de flashbacks qui alourdissent la narration, se répétant inlassablement, appuyant trop fortement sur le message engagé du film (ressemblant à des béquilles pour comprendre ce qui pourtant est évident : le traumatisme de l'abandon, la difficulté à se reconstruire sans ses racines, etc... Un seul flashback suffisait amplement), avec pour apogée cette séquence - une fois de plus - très drama dans laquelle l'homme
se noie volontairement, directement mis en parallèle avec le flashback de sa mère biologique tentant de le noyer...
On n'est pas très loin d'un téléfilm soap, dans ce moment-là. Mais le principal dans Blue Bayou est de faire passer le message des adultes expulsés de façon honteuse, des problèmes identitaires qui peuvent résulter d'une adoption difficile, et sur ce point, il réussit son coup. Sur la finesse de la dramaturgie, en revanche... "Attention, sortez vos mouchoirs." ou "Cry me a river", pour rester dans le thème.