Non non, je te jure j'adore les flingues et les gros muscles de Schwarzou ! T'en vas pas, je suis super viril en fait, c'est juste, enfin je sais pas ce qu'il s'est passé, j'étais malade je crois et puis il y avait ce dvd et j'avais rien d'autre, enfin tu comprends ? Quelle tapette ce Gosling hein ! Haha, allez viens on va pécho de la go et on oublie ça.
Voilà, maintenant que je me suis justifié, on va pouvoir y aller. J'adore ce film, je l'ai adoré dès le premier visionnage. J'ai aussi adoré The Place Beyond The Pines, réel ovni du cinéma d'auteur américain du même Derek Cianfrance. Drame romantique qui par delà ses modulations "fleur bleue" pour adolescente en plein ragnagnas cache une pertinence et une intelligence sur les relations amoureuses qui tapent là où on aimerait pas. Des fois, il suffit que tout le monde ait détesté un film pour que j'en fasse autant même si j'ai été secrètement touché - quelle faiblard -. Pour celui-là je persiste malgré les réticences de certaines personnes de mon entourage. Il faut dire qu'à chaque fois que je l'ai conseillé, c'était immanquablement de manière déclamatoire, alors forcément, ils s'attendaient à la claque de leur vie.
Personnellement je n'ai jamais rien eu contre Ryan Gosling, héros de ces dames, et cancer de l'amour propre de nous, les gentlemen. Enfin je suis un peu jaloux, comme il se doit, mais je reste conscient du transfert de mes propres frustrations sur ce brave type, et très bon acteur. Petit con va
Le film interligne les séquences du coup de foudre des deux protagonistes avec celles du délabrement de leur mariage quelques années plus tard, et c'est une furieuse idée d'écriture. On se rend compte progressivement de l'inéluctabilité de leur échec tout en étant considérablement inspiré par leur amour naissant, et le lien se fait malgré nous, et ça dérange, et c'est beau.
La rencontre est particulièrement subtile dans la mise en scène, les scènes exhalées de leur complicité n'ont d'égal que la retenue des instants volés de leurs promiscuités charnelles. J'avais eu ce sentiment dans la retenue des scènes de rapprochement dans Lost in Translation. Peut-être faut-il avoir déjà vécu ces instants pour s'identifier, mais honnêtement, quand j'ai vu le film ça ne m'était encore jamais réellement arrivé. C'est arrivé depuis - avec Ryan - et ça n'a pris que davantage de sens. C'est vraiment, vraiment très bien joué et heureusement sans quoi on aurait pu taper dans le fiasco total. Il se passe un truc entre les deux acteurs et franchement on le sent.
Ca fait du bien à voir, cette insouciance de l'amour qui éclos, qui cela dit ne peut l'être qu'à la condition de la mise en scène de Cianfrance et de ses acteurs.
Mais voilà, la puissance du film, le réel potentiel, c'est d'être témoin de la rupture, autrement il se serait simplement appelé Valentine - oui, tu as vu la pertinence du gars -. Une fois le coup de foudre passé, celui là même qui mène à l'engagement difficilement scindable du mariage et à la procréation, il y a les réalités et aspirations agrégées de chacun des personnages, et elles diffèrent.
Ryan se fout un peu de tout, tant qu'il a sa béquille personnifiée en sa famille, son amour. Sa compagne elle, la jolie et consistante Michelle Williams, a des ambitions. Des ambitions de femme - tiens tu vois que je suis un sale macho ! - et la vie et l'amour de Ryan c'est pas assez bien, et ça ne le sera jamais. L'amour ne suffit pas.
Le couple essaye de recoller les morceaux et de se souvenir, se souvenir de la plénitude du début. Et là on assiste, je trouve, à des scènes magiques - cf. le porno motel -, c'est délicat et très intelligent. Impuissants, on est tout de même témoin du déclin malgré la mise en oeuvre, surtout de l'homme - bon, il picole, ça peut être chiant, j'avoue -.
Ce qui est vraiment génial, même si ça va un peu de soi, c'est de voir à quel point on ne se rend compte de rien sur les aspirations profondes et à long terme de son partenaire au moment de l'étincelle, mais surtout à quel point on ne veut pas les voir et à quel point Cianfrance nous oblige à le constater en témoignant d'un postulat extrêmement pessimiste sur l'amour, mais réel à bien des égards. Un vrai coup de coeur pour ma part, et même si je comprendrais qu'on ne soit pas tous séduits, je ne saurais que trop le conseiller pour sa pertinence. Si vous êtes en couple, abstenez-vous en revanche, ça peut foutre le bordel.
Quoi c'est de la merde ce film ? Non mais je t'ai dit c'était... Et puis merde, j'ai chialé devant Forest Gump la première fois, et je t'emmerde.
Gerwin