Avant de le voir, j'avais tout de même quelques appréhensions. J'avais vu la bande-annonce, et hors-mis un Gylenhaal pleins de promesses, le côté marketing "par les producteurs de Drive" m'avait légèrement rebuté, d'autant plus qu'il s'agit du premier film de ce Gilroy. Il y avait aussi cette chose qui m'exaspère un peu dans le cinéma moderne et qu'on retrouve particulièrement dans les séries, c'est le demi-propos, le demi-engagement, la demie-dénonciation, machinerie hypocrite pour finalement nous servir du pur divertissement, noir et non manichéen, parce que c'est la mode. L'exemple typique c'est Hunger Games, fresque 'twilightesque' peinturlurée de cette 'fausse' audace du propos. Ca a déjà été dit maintes fois, mais Battle Royale est pour le coup bien plus judicieux et pertinent. Bref, sans non plus l'avoir apparenté à Hunger Games, il y avait l'appréhension de cette chose maladroite.


Et bien en fait Nightcrawler s'avère une belle petite claque, et c'est après un deuxième visionnage que le clou s'est enfoncé. On commencera tout simplement par relever la présence hypnotique de Gylenhaal qui décidément me secoue à chacune de ses compositions. Un jeu acéré à l'image de son faciès acrimonieux. On aurait pu se laisser aller à une antipathie réflexe à l'égard de son personnage, mais le mec met la barre tellement haute que finalement on est plus fasciné qu'autre chose. Les autres acteurs sont eux aussi au niveau, mention particulière à l'acolyte de Gylenhaal, Riz Ahmed qui est vraiment très crédible et que je trouve déterminant dans l'intrigue, mais aussi le propos.
Ensuite, d'un point de vue formelle on se régale. Mise en scène efficace, caméra en retenue, on observe. Etant donné qu'il s'agit du premier film de Dan Gilroy, on pouvait s'attendre à une légère surenchère histoire d'épater la galerie, et bien finalement même pas. Il faut dire qu'avec une photographie pareille, exacerbant un L.A. nuiteux, fourbe et chatoyant, pas besoin d'en faire des caisses, j'adore les couleurs de ce film. D'ailleurs, si l'on devait dire en quoi on se rapproche de près ou de loin d'un Drive c'est du côté de la direction photographique. On a souvent pour habitude de voir Los Angeles sous un soleil plombant et plutôt craspec'. Ici on a une ville à l'apparence aseptisée, tout comme ce Lou Bloom, et l'esthétique chirurgicale que l'on retrouve chez le personnage et plus généralement dans la ville et dans l'aspect globale du film aide à son propos.


Et on y vient, au propos, sujet qui m'inquiétait le plus. Je m'attendais franchement à une maladresse du style qui valide finalement ce qu'il veut dénoncer. Là encore, que nenni, je trouve le tout très bien amené, très bien fait. On nous propose en fait une réflexion en partant d'un constat, celui du monde médiatique et celui de notre voyeurisme, en le poussant à son extrême. Donc finalement c'est une approche tout à fait innocente et presque enfantine, encore une fois à l'image du héros qui nous invite à voir jusqu'où tout ceci peut aller. Le pire, c'est qu'hormis quelques crasses préjudiciables, Lou Bloom reste à peu près dans les clous et joue le jeu, il a juste compris les règles et les pousse dans leurs retranchements. C'est ça que j'aime beaucoup dans ce film, on évite l'écueil moralisateur et boursoufflé qu'aurait pu être un film du style.
Nightcrawler c'est le rêve américain qui se retourne tout simplement contre lui-même, personnifié par Lou Bloom qui à défaut de représenter une simple anomalie du système, en représente tout simplement l'enfant prodigue, une créature découlant directement de ce même système, ce qui provoque ainsi une légère empathie à l'égard du héros.
Enfin, malgré la dénonciation très en recul et toujours dans la proposition, il y a quand même un indice qui révèle un vrai parti pris dans le film lorsqu'au début, Lou essaye de trouver du boulot dans un chantier et est même prêt à être pris en stage, à la régulière en fait. En dépit de cela, il essuie un refus systématique et on nous dit finalement derrière, c'est avec le sale et le vil qu'on fait du fric dans ce motherfucking pays.


Gerwin

Gerwin
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le 26 nov. 2015

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