Enfin, j'ai réussi à mettre la main sur ce film que j'ai vu il y a si longtemps. Bon, d'accord, c'est un import anglais dans une VF avec sous-titres anglais …
Pour rigoler, avouons que les sous-titres anglais m'ont permis de comprendre cette fameuse expression "rien ne va plus" qui est constamment prononcée par les croupiers des casinos … Utiliser l'anglais pour comprendre le jargon français, c'est quand même pas banal …
Bob le flambeur, c'est, à ma connaissance, le premier film policier d'un Jean-Pierre Melville en devenir. Et d'ailleurs, on sent bien qu'il se met au point ; on reconnait, par exemple, les prémices du "doulos" ou du "deuxième souffle" avec des personnages très typés : l'ancien truand (à la retraite ?) qui a conservé un certain code de conduite, le jeune truand fanfaron, le mac qui est tenu par les couilles par les flics, l'équilibre ambigu et instable flic-truand, la jeune femme sur le point de sombrer dans la prostitution et l'omniprésence du Jeu.
C'est aussi le film où on sent l'admiration que porte Melville à un certain cinéma américain, celui des grosses bagnoles américaines face aux vieilles tractions noires ou aux quatre-chevaux françaises, aux night-clubs de Pigalle où le jazz prévaut …
Et, irrésistiblement, je pense aussi à "asphalt jungle" (Quand la ville dort), par exemple, sorti quelques années plus tôt. Parce que chez Bob, il y a du Dix (joué par Sterling Hayden). On en arrive au personnage de Bob le flambeur que Melville ne cesse de filmer sous tous les angles et à tous les moments de la journée. Il commence à l'aube où "Paris s'éveille" mais où les fantômes de la nuit s'évanouissent. Bob sort d'une dernière partie où il a perdu du fric, une fille se fait emballer par un marin et une balayeuse municipale arrose le pavé. Bob fout à la porte un mac qui vient le taper pour fuir les flics après avoir flanqué une danse soignée à une de ses prostituées. Le code de l'honneur chez Bob.
Il y a de la fascination chez Melville pour ce Bob qui devient presqu'un prétexte pour une balade jazzy dans un Paris nocturne et une balade addictive dans le paradis du flambe qu'est le casino de Deauville. Oui, parce que Bob pour se refaire organise minutieusement un casse puis son addiction au jeu est telle qu'il en oublie le casse.
Spoiler : Et, bien lui a pris puisqu'il ne cesse de gagner au jeu ce soir-là et qu'en plus le casse se révèle être une affaire pourrie. C'était un vrai jour de chance comme on n'en rencontre pas souvent.
Il faut dire que Bob est un ancien truand, d'accord, un flambeur, d'accord mais Melville en a fait un humaniste (qui s'ignore) qui respecte les femmes. Une preuve, cette patronne de bar qui a toujours conservé une reconnaissance pour lui avoir mis le pied à l'étrier. Un humaniste tout en jouant les grands seigneurs et les vieux beaux dans sa somptueuse bagnole américaine décapotable…
L'acteur qui interprète le rôle de Bob est un certain Roger Duchesne qu'il me semble avoir déjà rencontré mais je ne sais pas où.
Le commissaire est joué par Guy Decomble, un second rôle que l'on rencontre fréquemment dans les années 50-60.
Il y a même un petit rôle pour Howard Vernon que Melville avait utilisé dans le "silence de la mer".
Melville était parti pour faire un film noir à l'américaine. Tout y était. Puis, il a tellement peaufiné son personnage de Bob qu'à la fin il n'a pu se résoudre à lui vouloir du mal. Le film noir se termine en comédie de mœurs …
J'aime beaucoup ce film qui est très certainement une étape de la carrière de Melville. Et remercions Melville pour nous avoir confié ces travaux d'approche et de mise au point d'un cinéma à venir passionnant.
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