Inscrit dans la culture depuis presque la création du style musical, le battle rap a surtout vu sa notoriété exploser après la sortie de 8 Mile où Eminem narrait de manière aussi autobiographique que romancée ses débuts dans le milieu. L'avènement d'Internet a permis par la suite à ces joutes verbales de se populariser, notamment au Québec et en France avec les Rap Contenders qui ont su faire naître des artistes aujourd'hui de renom tels que Jazzy Bazz, Nekfeu, Dinos ou encore Wojtek, le champion français invaincu.
Produit par Eminem et son fidèle associé de toujours Paul Rosenberg et réalisé par Joseph Kahn, clippeur de renom qui a accouché au cinéma de Torque et Detention, le long-métrage nous plonge dans l'univers méconnu des battle raps avec une efficacité et une fidélité hors du commun. Sans vulgariser le sujet ni en dénigrer les artistes (le script est co-écrit par l'ancien champion Kid Twist), Bodied s'appuie sur un scénario malin où un étudiant passionné de rap va peu à peu s'immiscer dans les battles et en devenir une nouvelle tête forte.
Avec son corps de lâche et sa frimousse rousse, Adam va ainsi autant en savoir plus sur les méthodes obscures mais toujours bon enfant des clasheurs tout se découvrant lui-même des talents insoupçonnés pour détruire ses adversaires. Et comme tout bon voyage initiatique, celui d'Adam va être semé d'embûches et de déchéances, de joies et de déceptions, le faisant constamment alterner entre loser et champion. Dépourvu de toute morale bien-pensante tout en n'évitant certes pas deux/trois clichés/facilités scénaristiques, Bodied ne souffre d'autant plus d'aucun temps mort, la mise en scène cesse inventive de Kahn proposant une multitude de séquences visuellement riches en effets divers et dynamiques.
Jamais avare en battles, invitant pour l'occasion de nombreux professionnels (dont le champion Dizaster, qui avait notamment fait parlé de lui en 2014 pour avoir cogné son adversaire), le film divertit autant qu'il instruit et questionne sur les comportements sociaux et les réflexions sur la place du rap dans notre monde actuel, avec ses insultes, son racisme, sa misogynie, ses (nombreuses) références à la pop culture. Malgré ses deux heures de bobine, Bodied reste constamment agréable à suivre, drôle et parfois touchant. La performance de Calum Worthy, acteur de souche et non rappeur, restant quant à elle tout simplement bluffante tant il n'a rien à envier aux professionnels du battle rap, même si ses textes ne restent que du cinéma. En somme, fan ou non du rap, des battles ou des milieux urbains, foncez voir cette perle rarissime.