Pilier de la série Z italienne, Lamberto Bava surprend son monde au début des années 1990 avec ce Body Puzzle faisant suite au ridicule et cartoonesque remake de La Maschera Del Demonio, œuvre phare de son papa Mario, que Bava junior mettait en scène pour le compte d'une mini-série télévisée de 6 épisodes intitulée Sabbath. Allait-il s'enfoncer d'avantage dans la nullité satisfaite avec ce thriller aux allures de giallo d'antan ?... Et bien non, en fait. Lamberto se reprend un tant soit peu avec cette enquête policière très ordinaire dans le paysage du genre, mais pas si ratée si on la compare avec quelques-uns de ses précédents travaux.
Lors de sa sortie, Body Puzzle a bien évidemment déçu les adeptes du giallo puisqu'il n'en est pas un. Il en utilise certains codes (le tueur, les armes blanches, l'atmosphère glauque...), mais se cantonne à rester dans le genre thriller suite au retentissant succès planétaire de Basic Instinct, réalisé par Paul Verhoeven. Produit par les frères Bregni, ces derniers espèrent surfer sur les cendres du thriller américain avec Sharon Stone pour remplir leur tiroir-caisse et consentent à offrir une équipe technique imparable à Bava, dont Luigi Kuveiller, le brillant directeur photo de L'Avventura (Michelangelo Antonioni - 1960) et de Profondo Rosso (Dario Argento - 1975) ou encore Piero Bozza, monteur avec qui Bava a l'habitude de travailler depuis Démons en 1985.
Un tueur psychopathe, mélomane averti, extrait des organes de ses victimes pour les offrir à Tracy Grant, une jeune veuve richissime. Oreille, main, cœur ou encore rein fraîchement extirpés ornent ainsi le nouveau quotidien de la jeune femme qui n'en attendait pas tant. Pour élucider cette série de meurtres sans lien apparent, l'inspecteur Livet et Tracy vont devoir reconstituer le puzzle de ces organes livrés à domicile...
Si Lamberto Bava dévoile immédiatement le visage du tueur de service, il dissimule néanmoins, et assez adroitement par ailleurs, ses motivations. Selon ce que l'on comprend, il semblerait que ce soit l'amant secret de feu le mari de l'oisive veuve qui ôte peu délicatement les pièces du puzzle à ses pauvres victimes. À moins que tout cela ne soit qu'une fausse piste...
Si l'ambiguïté sexuelle des personnages provient bien évidemment de Basic Instinct, Bava s'approprie cependant le scénario de Body Puzzle et respecte scrupuleusement les règles du thriller sans pour autant livrer un ersatz du film de Verhoeven. Suspects abondants, meurtres sordides perpétuellement rythmés par la célèbre Nuit Sur Le Mont Chauve de Modest Mussorgsky, poème symphonique inspiré par Gogol (à l'instar de La Maschera Del Demonio), enquête laborieuse, détails macabres, sentiments amoureux inattendus, coup de théâtre final... Rien ne manque à l'appel si ce n'est que l'atmosphère globale se contente néanmoins de ressembler à un simple TV film des années 1990, avec son casting peu inspiré (palme d'Or en ce sens à la Polonaise Joanna Pacula avec une émotion et demie au compteur), ses résolutions trop confuses pour être honnêtes et son absence d'hémoglobine lors de meurtres pourtant extrêmement brutaux, comme si Bava s'autocensurait pour offrir une œuvre au plus large public possible.
Reste que Body Puzzle, malgré ses nombreux défauts, propose une mise en scène appliquée, à l'image d'un mauvais Argento. Et de la part de Lamberto Bava, cela surprend agréablement.