Lorsqu'on compare le genre du péplum avec celui du western à la fin des années 2010, la conclusion est sans appel. Alors que le premier n'a pas su prouver sa renaissance sur le long terme (Gladiator, Troie et 300 demeurant de trop rares exceptions depuis l'an 2000), force est de constater que le second se porte bien. Voire même très bien. De nombreuses adaptations cinématographiques s'enchaînent depuis plusieurs années, d'un Tarantino survendu aux DTV, avec une régularité, un effort d'écriture et de mise en scène que lui envient forcément les bouses façon Pompéi, Le Choc des Titans, Gods of Egypt, etc. Si toutes les productions ne sont évidemment pas d'égale qualité, Bone Tomahawk fait incontestablement partie de ces ovnis agréables à l'œil, et au casting rafraîchissant et inédit.
Matthew Fox signe enfin son grand retour au cinéma, après avoir été aperçu dans des mini-rôles frustrants au possible (World War Z), et l'avalanche Lost. Droit dans ses bottes de cow-boy classieux et loin du ridicule assumé d'un Matt Damon dans True Grit, il signe une prestation toute en sobriété et en retenue, juste bourru comme il le faut, digne et mordant. Jack Shephard est mort, vive Jack. Kurt Russel est très loin d'être en reste, et sa performance avive une pulsion de nostalgie brute. Depuis The Thing, l'acteur a vieilli, mais reste un shérif badass comme il se doit, dans la grande veine du héros se sacrifiant pour le bien du film - et accessoirement de l'Amérique. Patrick Wilson fait le job, malgré un rôle plutôt plat, mais joué avec conviction. Une bande-son discrète et appréciable laisse souvent la part belle à un silence pertinent et réfléchi, ne cédant jamais à de grandes envolées lyriques pour noyer le spectateur d'un sentiment d'épique un peu grotesque.
Bone Tomahawk aurait largement eu sa place au cinéma. Le scénario des plus simples s'étire dans le temps pour préférer de longues séquences de discussion jugées par certains ennuyeuses, mais à mes yeux délectables pour découvrir avec un réalisme appréciable la personnalité des protagonistes. Ce film, c'est un film d'hommes qui aiment ou ont aimé leurs femmes, les leurs, comme celles qu'ils n'ont jamais eu. Une forme de pudeur masculine touchante et dissimulée derrière des épaules qui roulent et des mâchoires crispées. Les quelques séquences gores sont d'une qualité à faire crier les plus endurcis (même après avoir vu et revu Cannibal Holocaust, une scène de meurtre et de découpe m'a fait gémir derrière le coussin du canapé), et ne servent qu'à rappeler qu'il n'y a pas besoin de ça pour faire un bon film. Pas de massacre sanglant malgré une ouverture trompeuse.
Les frères Cohen auraient presque pu signer cette course-poursuite contre le temps et une tribu d'indiens décidément pas commode.
Un petit bijou méconnu, à découvrir absolument pour les amateurs de western ouverts d'esprit.
Four doomed men ride out.