Je t'aime, jusqu'à la moelle... Bones and All n'est certainement pas le film de cannibalisme bébête et gore que vous avez vu mille fois, c'est avant tout une histoire d'amour passionnel de l'autre, de peur profonde de soi ("Suis-je un monstre ?"), d'arriver à trouver sa place dans un monde où l'on est loup parmi les agneaux... Découvert lors de l'annonce des films qui ont fait sensation à la Mostra de Venise, avec une nouvelle collaboration de Timothée Chalamet (Oui, on est ultra-fan, inutile de penser même à le nier) et Luca Guadagnino (Call Me By Your Name), avec en rôle principal Taylor Russell, une jeune actrice qu'on ne connaît pas bien (et qu'il nous tardait de voir en-dehors des Escape Game, pressentant qu'elle avait vraiment autre chose à offrir), Bones and All avait tout pour nous plaire, et a encore réussi à nous surprendre. Le rythme est excellent, les 2h11 ont filé entre nos doigts, en cheminant avec cette jeune femme qui cherche à se connaître (et se maîtriser) entre rencontres dérangeantes (Mark Rylance en pervers glauque, dont le final nous a vraiment mis mal à l'aise...) et celle qui changera tout : un "loup" comme elle, qui essaie de nous faire croire qu'il a moins de scrupules qu'elle. Sauf que sous sa carapace de cheveux méchés, on sent toute la fragilité et la répulsion de sa condition, et cet amour naissant va faire voler en éclat sa désinvolture apparente. A cela, vous pouvez ajouter une mise en scène soignée (et aux paysages naturels des grands espaces américains qui n'ont rien à envier à la Dolce Vita précédente), à la musique envoûtante, à l'interprétation désarmante (le binôme d'acteurs fonctionne à merveilles), à la psychologie étudiée des personnages, à l'envie d'explorer les troubles psychologiques et les sentiments qui peuvent naître dans une telle relation... Vous l'aurez compris, l'aspect cannibale de l'intrigue n'est pas là pour faire démonstration de scènes gores (même si l'on en trouve, Luca Guadagnino se permet de filmer un arbre, un bout de mur, quand la scène-choc arrive, comme pour nous rappeler que le propos n'est pas là, et que si l'on cherche un film régressif à sensation, on s'est trompé de titre), mais pour nous laisser apprivoiser ces deux personnages sauvages, dont on ne cautionne évidemment jamais les pratiques, mais dont le malêtre nous touche, avec un final qui nous a beaucoup plu. On s'est rappelé quelques docus sur la pratique rituelle funéraire de certains peuples,
consommant une partie de l'être aimé, pour la garder à jamais avec soi, un hommage de l'amour qui outrepasse l'emprise de la Mort sur le corps...
Bones and All nous offre une dernière ligne droite qui illustre donc ce concept ancestral, avant de nous proposer, pour les coeurs meurtris par ce final (on assume d'en faire partie), une petite scène ouverte, qui vous laisse interpréter par vous-même :
on retrouve nos deux amoureux, après un cut noir, qui pourrait n'être qu'une fin fantasmée, ou bien justement la réalité qui confirme qu'ils s'en sont sortis... Pour une fois, on va choisir la naïveté et croire qu'ils sont vivants et heureux (soyons fous),
le film ayant la galanterie de nous laisser choisir. On a donc couru (écharpe au vent) en librairie, en face du cinéma, pour acheter le roman et en avoir le coeur net (réponse dans 350 pages). Bones and All est un film d'amour étonnamment intelligent, interprété avec fureur, au final vous donnant le choix, qui vous donne la fringale de ce genre de bonnes surprises.