Pierre Bonnard (1867 - 1947) était un peintre post-impressionniste et je remercie une fois de plus le cinéma (et Martin Provost) de me permettre de parfaire mon inculture.
Je ne pense pas m'être jamais réellement intéressée à l'oeuvre de cet artiste que je découvre et qui compte des milliers de toiles et dessins. On peut les contempler grâce à Internet mais aussi sans doute de plus près aux archives départementales des Yvelines et plus encore au Musée Bonnard 16 boulevard Sadi Carnot, 06110 Le Cannet qui a ouvert en 2011.
Comme tout film retraçant la vie d'un artiste, il est difficile de la condenser en deux heures que j'ai pourtant trouvées vraiment intéressantes et qui m'ont donné l'envie d'en savoir plus. Martin Provost les consacre donc en partie à la relation que le peintre entretint pendant un demi-siècle avec Marthe qui fut son modèle, son amante, sa muse, sa compagne et finalement sa femme puisqu'il l'épousa au bout de vingt-cinq années de vie commune au cours desquelles il ne cessa sans doute de la tromper pour finalement toujours revenir vers elle. Même après son escapade à Rome avec une jeune femme, Renée, qui fut aussi son modèle et à qui il proposa le mariage avant de l'abandonner pour retourner encore et toujours auprès de Marthe.
Une vie parfois sentimentalement mouvementée donc mais toujours renforcée par la relation forte et sincère qui unissait Pierre et Marthe. Cette dernière est un personnage étrange, fantasque et pittoresque n'aimant rien tant que sauter nue dans la Seine qui bordait la jolie demeure qu'ils occupaient. Monet et sa femme Alice les y rejoignaient parfois au prix de deux heures de barque, pour des pique-niques, entourés de Vuillard, Signac, Misia la riche mécène aux multiples mariages interprétée avec excentricité par Anouk Grinberg.
Joyeuse mais de santé fragile, jalouse à juste titre parfois, Marthe refusait de paraître en "société", d'être le faire-valoir. Et lors d'une escapade de son inconstant compagnon, elle se met également à la peinture. La femme derrière le grand homme est presque plus intéressante et Cécile de France lui apporte toute son énergie et sa fragilité.
A la différence de ses contemporains (dont Monet) qui peignaient en pleine nature, Bonnard n'a toujours peint qu'en atelier, contre un mur avec la particularité d'avoir ses modèles derrière lui. Son amour de la nature transparaît dans de nombreuses oeuvres qui donnent aussi la part belle aux femmes dont il reçoit les compliments de les représenter avec autant d'honnêteté et d'authenticité. Les nombreux nus qu'il a peints ont parfois scandalisé mais il accordait aussi une importance aux fenêtres ouvertes vers l'extérieur et la couleur jaune semblait l'obséder. Vincent Macaigne, méconnaissable, irreconnaissable pour être plus précise incarne un Bonnard généreux, tendre, sincèrement amoureux.
La réalisation et la reconstitution d'époque sont classiques mais la lumière, les méandres de la Seine, les arbres qui la bordent, le jardin des Bonnard, la nature en général en rendent la vision particulièrement éclatante.
Contrairement à ce qu'a dit Laurent Delmas (mais je comprends, quand on déteste un film et il a vomi sur celui-ci, la mauvaise foi est la règle) et à l'opposé du détestable et récent Munch, on voit très souvent l'artiste à l'oeuvre et on peut admirer longuement certaines toiles. C'est un bonheur de voir à l'écran comment quelques coups de crayon révèlent un personnage, ces tubes de gouaches étalés sur une palette, ce pinceau qui se colore et la toile qui se transforme.
Pour voir quelques oeuvres : clic ci-dessous :
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