Mal à l'aise avec sa jongle avec les tons, ce Bonnie and Clyde un temps moqueur et goguenard par sa galerie de personnages hauts en couleur, un temps passionné, un temps idyllique par l'amour parfait de ses héros, un temps dramatique par le tragique destin qui leur est réservé, dresse le portrait de petites gens devenues idoles, de jeunes paumés dépassés par leurs pauvres ambitions et, par sa laideur esthétique et son montage anarchique (pour ne pas dire catastrophique) ausculte une Amérique paradoxale dans son rapport à l'argent.
Dressant un mythe tout en le déconstruisant, Arthur Penn, par un vrai geste et une vraie énergie punk avant l'heure peine pourtant à convaincre ; s'il éclate un peu les codes du cinéma d'alors (se concluant aussi abruptement qu'il a commencé) et dénonce l'abandon et la destruction par l'avidité de cette Amérique des campagnes laissée à l'abandon à la suite de la crise de 1929, le rythme saccadé de son film et sa mise en scène sans génie empêche le spectateur d'être pleinement pris dans le tourbillon de cette romance sanglante et culte, malgré des scènes d'action et des fusillades (trop rares) inédites pour l'époque et résolument efficaces.