Démagogique et presque malhonnête, mais un super film de fiction

Je suis très mitigé en ce qui concerne ce Bonnie et Clyde, dont je me faisais une joie de visionner, et qui m’a beaucoup impressionné.

Honnêtement si l’œuvre était une fiction à part entière, je crois que je n’aurais rencontré aucun problème avec la réalisation, mais il s’avère qu’elle s’inspire de personnages réels, et c’est là que ça coince, parce que l’œuvre prend toutes les libertés avec le véritable contexte de la traque du gang Barrow.

La manière dont est romancé, et pour reprendre un terme des années 70, glamourisé, le duo d’amoureux de criminel le plus célèbre au monde, m’a tout simplement mis mal à l’aise. Aussi le film parvient très bien à nous faire apprécier ces personnages en dépit du fait qu’ils sont des assassins, et l’issue logique de cette histoire nous plonge dans une horreur vertigineuse, à tel point qu'on en vient presque à détester les flics, et soutenir les crapules, un truc de dingue...

Déjà, il convient de remettre les choses dans leurs contextes. Le véritable Clyde Barrow n’avait rien d’un gentleman, il ne commettait pas seulement des meurtres malheureux, comme cela est suggéré dans ce film, en réalité, il serait à l’origine de plus d’une quinzaine d’assassinats, allant de membres de forces de l’ordre jusqu’à de pauvres civils innocents, ayant juste eu le malheur de se retrouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Aussi lorsqu’on garde cela en tête, il est bien difficile d’avoir de l’empathie pour ce personnage, ou il serait plus juste de dire, qu’il est bien difficile d’avaler la pilule lorsque le film tente de nous le faire prendre en empathie. Aussi j’imagine que les familles des victimes du gang Barrow ont du bien grincé des dents s’ils se sont aventurés à visionner ce film qui dépeint un portrait si avantageux de ces amoureux en cavale.

En dehors de ces aspects et de ces choix scénaristiques plutôt discutables, la production est très bien réalisée, le rythme est très efficace, et on ne s’ennuie pas un seul moment, malgré quelques effets spéciaux qui ont pris cher avec le temps.

Les acteurs sont magiques. Warren Beatty et Faye Dunaway, qui jouent le duo de choc, sont sublimes. J’ai adoré leurs jeux. Je les ai trouvés magnifiques. Estelle Parsons, dans le rôle de Blanche, m’a fait éclater de rire. À un moment, j’en venais presque à la détester pour son idiotie qui mettait en péril le gang tout entier, c’est dire à quel point le film est efficace.

Bon, ensuite, le discours un peu anarchique, et antisocial, qui anime les protagonistes, m’a un peu gonflé. En ce qui me concerne, je n’ai vu que des grands enfants égoïstes et sans scrupules inconscients de l’horreur qu’ils semaient sur leur chemin (et, à mon avis, ce ne doit pas être loin de la réalité). C’est exactement ce qui m’a mis mal à l’aise dans ce film. Je n'ai pas aimé la façon dont les personnages sont dépeints, comme des héros révolutionnaires, alors qu’en réalité ce ne sont que d'horribles assassins. À mon avis, le film est moralement très discutable. Il se devait peut-être, à mon sens, de coller un peu plus à la réalité. Si l’idée était de partir sur de la fiction, alors l’œuvre aurait dû l’affirmer plus clairement. Mais, ici, il y a une sorte d’équilibre, presque malsain, entre l’acceptable et l’insupportable. Le film met aussi le pied à l’étrier de l’hyper violence dans le cinéma, avec cette conclusion horrible. C’est un peu comme si le réalisateur se plaçait, à la toute fin du film, dans la rédemption pour nous avoir servi un discours qui en appelle pratiquement à la rébellion. Ainsi, il berce le public avec les joies d’une vie d’aventure et de délinquance puis lui fait un sermon sur ce qu'il risque de lui arriver s’il s'entêtait à suivre cette voie. Un point de vue un peu facile et franchement glauque.

Voilà mon sentiment sur ce Bonnie et Clyde, qui est un excellent film, mais que je trouve un peu démagogique et presque malhonnête. Quoi qu’il en soit, je comprends son succès, et je reconnais que j’ai passé un très bon moment, même s’il m’apparait important de nuancer tout cela avec un rappel des faits. Clyde Barrow était avant tout un assassin de sang-froid. Ce film ne raconte pas la véritable histoire du gang Barrow.