Border est sans doute le film le plus étrange, dérangeant et singulier que j'ai vu ces dernières années. Une chose est sûre, il ne laisse pas indifférent : on adore ou on déteste. Tout est si peu prévisible dans ce mélange des genres qu'on a l'impression de perdre pied par moment, mais les risques sont si bien relevés qu'on ne peut que reconnaitre le talent du réalisateur Ali Abbasi. Passant du drame social à l'intrigue policière, puis de la romance au fantastique et à l'horrifique, Border coule de source et réactive avec une grande originalité un héritage mythologique européen trop souvent banalisé. L'histoire surprend et déstabilise car elle démarre dans notre réalité, notre présent pour emprunter des chemins insoupçonnés et inimaginables. Une sorte de délire organique hideux mais surtout fascinant et poétique !
Les notions d'identité et de tolérance sont au coeur de ce récit. L'humanité dans le monstre, la monstruosité dans l'humain ; des thèmes qui apparement paraissent commun à notre culture cinématographique. Mais la mise en scène est si audacieuse, l'histoire d'amour si inhabituelle qu'on ne peut que rester éberlué, voire même un tantinet sonné en sortant de la salle, convaincu d'avoir vu une forme hybride d'une grande rareté.
La performance des acteurs est relevée, puissante. L'antithèse entre le rapport à la nature verdoyante et l'horreur humaine saute aux yeux ! L'intrigue policière, cruelle mais réaliste, s'imbrique parfaitement à la touche de merveilleux. La magie devient donc plausible et concrète. Le côté surnaturel est si inattendu qu'il brouille toutes les pistes et rend cette spirale infernale et imprévisible. C'est du jamais vu. C'est parfaitement maitrisé. C'est beau ! C'est touchant ! Mais c'est aussi effrayant et repoussant par moment. En fait, je vous recommande d'aller voir Border ne serait-ce que pour l'état de confusion dans lequel il nous plonge avec aisance. Ali Abbasi a mérité son Grand Prix, je le confirme ! J'attend avec impatience ces prochaines histoires bizarroïdes et hors-normes.