Le film s'appuie sur trois mécaniques de précision : un scénario rigoureux, une mise en scène au cordeau, une interprétation parfaite. Ces trois rouages unis dans un même mouvement font de Borgman un film brillant mais vide.
Si certains évoquent Théorème, on est loin de la dimension charnelle et mystique, profondément troublante, du film de Pasolini. D'autres encore citent Funny games et sont carrément à côté de la plaque. Le côté irréel de Borgman, son esthétique années 50/60 rappellent finalement davantage la série Les envahisseurs que quelque drame métaphysique que ce soit. Car en faisant volontairement le choix d'ouvrir son film à toutes les interprétations possibles, Alex Van Warmerdam prend aussi le risque qu'on s'en désintéresse totalement.
La maison est magnifique, subtil mariage de béton, verre et bois, mobilier suédois, tellement belle qu'on s'agace de la voir habitée par un tel connard. Car l'homme des lieux est un sale con, forcément raciste. On se demande d'ailleurs s'il était bien nécessaire d'en noircir autant le portrait. Sa femme, la belle Marina, celle qui introduit le loup Borgman dans la bergerie, est très vite ressentie comme bordeline, à moins que ce soit son mystérieux invité qui la chamboule à ce point.
Le film avance sans faillir, se suit même avec plaisir, tant on s'amuse à en vivre les rebondissements. Gentiment subversif, délicatement décalé, absurde souvent, Borgman semble s'en tenir à la maîtrise d'un cinéma trash édulcoré, jamais de mauvais goût, toujours propre sur lui. Et c'est bien là sa limite.
Superbe dans la forme, fort d'un casting impeccable, Borgman oublie au passage d'y mettre un peu de fond. On ne se contentera pas d'imaginer un quelconque sous-texte politique ou social. Et si métaphore il y a, elle est trop nébuleuse pour qu'on cherche à la saisir. Très belle coquille vide, le film d'Alex Van Warmerdam ne passera pas l'hiver.