« Ici, ce sont les détenus qui surveillent les gardiens et non l’inverse ». Le ton de Borgo est donné dès les premières minutes : un long métrage à mi-chemin entre film de prison et polar piquant, où la vie carcérale n’est faite que d’exceptions corses.
Borgo est le 4e long métrage de Stéphane Demoustier (si l’on compte Allons enfants qui faisait tout juste 1h), après notamment le succès retentissant de La Fille au bracelet, film de procès lauréat en 2021 du César de la meilleure adaptation et dans lequel jouait sa sœur Anaïs.
Bien qu’un carton d’introduction rappelle que le film est une fiction (histoire de se dédouaner d’éventuelles attaques, les corses présentés dans le film étant tous particulièrement gratinés), Borgo se base sur un fait divers réel, celui d’une matonne arrivé sur l’Ile de Beauté depuis peu et qui s’est retrouvée dans impliquée dans un règlement de comptes entre bandes rivales : « La matonne avait eu à désigner la cible alors que celle-ci arrivait à l’aéroport de Poretta, tâche dont elle s’est acquittée en donnant un baiser à la future victime » relate le réalisateur.
Borgo tire d’ailleurs son titre du nom de la prison concernée, au Nord de la Corse, où se trouve l’Unité 2, une section réservée aux mafieux de l’île, et qui a la spécificité bien étrange de fonctionner « en régime ouvert » (c’est-à-dire que toutes les portes des cellules sont ouvertes et les détenus peuvent circuler à leur guise entre les différentes parties de la prison). Une section où, de manière tacite, les bandes rivales ont un accord de non-agression et cohabitent de manière pacifique. Presque comme au Club Med.
De fait, le film montre bien la nécessité d’adaptation de la nouvelle surveillante pénitentière, pour une prison très spécifique et qui n’a rien avoir avec Fleury, sa précédente expérience. Ici, les détenus sont très bien renseignés sur les mouvements dans l’île, connaissent la vie privée, les lieux de résidence et les petits ennuis de leurs gardiens. Et lorsque la directrice ose restreindre leurs libertés au sein de la prison, les réponses criminelles ne se font pas attendre.
Avec Borgo, la jeune actrice Hafsia Herzi retrouve l’univers carcéral après avoir joué une détenue dans A l’ombre des filles, sorti il y a tout juste 2 ans. Ici, sont personnage de Melissa, bien que du bon côté des barreaux, connaît finalement plus de pressions que les détenus eux-mêmes.
Sa petite famille (une petite fille pas spécialement mignonne et un mari qui a la malchance d’être Noir dans un environnement de racisme latent) en subit inévitablement les conséquences.
Je dois dire que je ne suis pas habituellement un grand fan du jeu d’Hafsia Herzi. J’avais détesté son film Tu mérites un amour, où elle officiait devant et derrière la caméra ; et je trouve qu’elle a trop souvent un air mollasson plutôt insupportable. Pourtant, dans Borgo (bien qu’elle joue encore un personnage qui manque de fermeté), son jeu m’a plutôt convaincu.
De là à caractériser Borgo de « meilleur polar carcéral depuis Un Prophète », il y a tout de même un pas de géant que les marketeux s'empressent de franchir, mais le film – le meilleur de Stéphane Demoustier à mon sens – n’a pas du tout à rougir. Présenté en début d’année au festival Reims Polar, le film ne démérite pas, se classant devant le Monkey Man de Dev Patel au box-office de sa semaine de sortie.
Borgo constitue le haut du panier des sorties Art & Essai de ce début d’année, se voulant un portrait d’une partie de la société corse actuelle, autant qu’il thriller incisif qui prend le temps de monter en puissance.