Film noir qui garde un faux calme îlien sous les tensions latentes, à l’image d’une Melissa, magistralement incarnée par Hafsia Herzi, qui ne tremble ni face aux armes ni face au grand banditisme corse, mais qui détourne son regard de la mort, Borgo tisse un écheveau impeccable qui se resserre sournoisement sur sa proie avant de la relâcher.
Melissa ne dit rien, malgré les problèmes avec son compagnon, sa fille à élever, ses voisins racistes, l’argent qui manque, les difficultés d’intégration. Prisonnière de ses obligations dans sa vie civile, c’est plutôt au boulot qu’elle se sent épanouie, libérée des contraintes qu’elle ne peut contrôler, elle, la matonne du centre pénitentiaire de Borgo. Là, elle y fait sa loi – jusqu’à un certain point, car ceux qui gouvernent ne sont pas forcément ceux qu’on croirait.
Grâce à un échange régulier, quoique hors norme, entre les détenus et la matonne, le réalisateur S. Demoustier construit un récit autour de pertinentes dialectiques entre liberté et soumission, surveillé et surveillant, liberté et sécurité, dedans et dehors qui dictent la complexité du dilemme auquel sera confronté Melissa. Par ailleurs, le cinéaste crée un climat de danger calme qui sied à merveille au tempérament de Hafsia Herzi, déjà superbe dans Le ravissement, et à cet insondable climat corse où dans la tranquille aridité du maquis tout peut péter d’un moment à l’autre.
Un des meilleurs films français de l’année en cours.