Le crépuscule de la mythologie hollywoodienne

Pendant longtemps, je n'appréciais que modérément ce film sans comprendre la fascination qu'il exerce sur le public ; bon, un revisionnage attentif m'a permis de le réévaluer et d'en avoir une meilleure appréciation, même s'il ne figure pas pour moi parmi les chefs-d'oeuvre, il y a quelque chose qui me bloque et je ne sais pas quoi, quelque chose qui me dérange sans doute, mais je crois avoir découvert ses qualités que je reconnais, c'est un fait. En tout cas, parmi les films de Wilder, il y en a d'autres pour moi qui sont plus forts, il suffit de voir mon Top Billy Wilder.
C'est un grand film, un bon film, avec une maîtrise parfaite de Wilder qui joue entre un humour mordant et des éléments classiques du genre noir. D'ailleurs, le film est souvent classé dans le film noir, je trouve que c'est en partie vrai, mais il n'en a pas toutes les caractéristiques comme Assurance sur la mort, le Faucon Maltais, ou En quatrième vitesse... c'est avant tout un drame, enrobé dans un étui de film noir, c'est tout.
Ce que j'ai trouvé remarquable, c'est que le film propose une vision cruelle, tragique et sardonique, voire cynique du Hollywood de l'âge d'or, de ses moeurs et des spécimens les plus étranges de sa faune. Dès les premières minutes, le ton est donné en s'ouvrant sur le récit sarcastique d'un mort commentant son propre assassinat.
Dans cette peinture au vitriol, Wilder a choisi Gloria Swanson dont la carrière a en effet été stoppée par l'arrivée du parlant, pour incarner Norma Desmond, cette actrice déchue qui habite une demeure à l'abandon mais emplie des souvenirs d'un glorieux passé, qui roule dans une somptueuse mais anachronique Isotta Fraschini, qui joue aux cartes avec de vieilles gloires du muet comme elle, et où l'on reconnait Buster Keaton. Elle ne se rend pas compte qu'elle est quasiment oubliée. A ce propos, la séquence de sa visite au studio à Cecil B. De Mille, est révélatrice d'une cruelle vérité.
J'ai bien aimé le fait que beaucoup de références au cinéma muet soient évoquées au détour des dialogues, plusieurs noms de stars comme Pearl White, Adolphe Menjou ou Valentino... qui s'ajoutent à la présence de Buster Keaton et de De Mille, et auxquels se joint aussi le rôle d'Eric von Stroheim qui lui aussi connut une certaine gloire hollywoodienne au temps du muet, mais qui fut ensuite obligé de s'exiler en Europe, notamment en France (il se redouble lui-même dans la VF). On découvre ainsi le drame de ces acteurs jadis adulés dont la gloire a soudain cessé avec la fin du muet, c'est une fascinante réflexion sur la célébrité, l'arrivisme et l'hypocrisie qui dresse un constat effrayant : Hollywood est une entité mortifère et anthropophage qui vénère autant qu'elle détruit.
L'atmosphère y est envoûtante et trouble avec son évocation du muet à la grandeur déliquescente et au faste grandiose, et l'interprétation est admirable : Gloria Swanson qui habite son rôle en assumant tous les excès de son personnage, Von Stroheim magnifique en gardien du passé, William Holden aussi magnifique dans sa veulerie de gigolo.
J'y ai vu aussi le conflit de 2 générations, le choc de 2 époques : celle déjà lointaine du muet, et celle naissante des années 50 qui verra des changements décisifs dans la structure de la production hollywoodienne.
Voila ce que j'en retire, de nombreux éléments intéressants que je n'avais pas su voir lors d'un précédent visionnage, mais tout ne me séduit pas dans ce film, et je considère que 7/10 (au lieu de 6 précédemment), c'est quand même une note favorable.

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le 3 juil. 2017

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Ugly

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