Cette critique s'inspire d'un extrait du roman "Le crépuscule des Stars" de Robert Bloch.
À Hollywood, on ne sait trop pourquoi, le soleil semble toujours être au zénith – même la nuit, lorsque le néon donne l'illusion que l'on est en plein midi. C'est pourquoi l'ombre y a toujours paru déplacée ; comme celle de cette ancienne actrice du cinéma muet. Vêtue de ses habits d'apparat, cette dernière marche désormais en silence dans son manoir lugubre.
En un sens, elle est elle-même le symbole du silence. J'ai entendu dire qu'elle n'est jamais allée voir un seul film parlant, mais ce n'est qu'une légende parmi d'autres. Autrefois, il en courait des centaines sur Norma Desmond.
Vous avez déjà entendu son nom, n'est-ce pas ? À moins que vous ayez moins de vingt ans, il ne vous est sûrement pas inconnu. C'est l'un des rares qui ont survécu et qui survivront dans l'histoire du cinéma aussi longtemps que l'on tournera des films-Griffith, De Mille, Chaplin, Pickford, Fairbanks, Valentino, Garbo et Harker. Il existe une rue, ici, baptisée en son honneur, et même un canyon. Personne n'a oublié son nom, même si la femme est devenue une ombre.
Je ne prétends pas savoir tout ce qu'elle a fait ces derniers temps. Dans la journée, elle arpente son manoir, et le soir venu elle regagne sa chambre ; on raconte qu'elle s'assied alors sur son fauteuil, et que, de là, elle contemple longuement les lumières d'Hollywood, au loin. C'est peut-être vrai, mais je ne crois pas qu'elle y voit quoi que ce soit. En ce qui la concerne, il n'y a plus rien à voir.
Ses films, les grands films qu'elle a tournés au cours des années de son âge d'or, sont encore projetés, aujourd'hui, au musée d'Art moderne. C'est peut-être ce qu'elle fait, la journée, dans son grand manoir sans lumière : passer et repasser ces fameux films, dans sa salle de projection privée, dans sa maison du crépuscule sur Sunset Boulevard.