Eh bien, moi qui m'inquiétait pas plus tard qu'hier de ne presque jamais avoir d'opinion à contre-courant ... Je m'attendais à tout sauf à être contredit par LE film que les critiques de tous horizons déclaraient unanimement impossible à ne pas aimer. Surtout qu'irrésistiblement attiré par les films à concept, et traversant une période bien émotive, un projet d'une telle audace sur un sujet si humain ne pouvait que retenir mon intérêt.
Et pourtant, Boyhood s'est avéré une énorme déception, à commencer par l'éxécution de son idée, qui s'avère insoluble - malgré l'indéniable réussite que représente le simple achèvement du projet. Linklater (quel nom prémonitoire !) a sans doute fait le choix le moins pire avec son montage minimaliste, quasiment sans transition, mais le résultat reste tout de même très voyant et de plus en plus balourd avant une légère amélioration vers la fin. Les réguliers clins d'œil à l'écoulement du temps ne font rien pour arranger les choses, que ce soient les symboles comme la photographie, les petites répliques prémonitoires, ou les références appuyées à l'ère du temps, qui n'ont pour la plupart aucun intérêt autre que de situer l'année.
Beaucoup, beaucoup plus grave : le film fleuve n'est rien de plus que la succession de ses parties. À ses meilleures heures, ce sont des moments sympathiques et sincères, avec une légèreté bienveillante. Dans ses pires moments, c'est une enfilade d'horribles clichés pris en sandwich dans un gimmick auto-satisfait : les parents divorcés, le père cool et source de sagesse mais pas très responsable, la mère dépassée qui enchaîne les maris prometteurs qui se transforment en immondes alcooliques, des petits discours pédants sur la vacuité de Facebook, et, suprême moment "yeux au ciel", le pombier devenu manager qui vient remercier sa bienfaitrice qui lui a glissé un "tu devrais être à la fac" il y a cinq ans. Des aimants à Oscar de la pire espèce.
Aucun vertige de l'écoulement du temps, de la philosophie de comptoir, et l'Oscar de l'Oscar le moins mérité de ces dernières années pour Patricia Arquette, totalement hors de ton une fois sur deux. Linklater prouve, à une échelle colossale, qu'embarquer une caméra au plus proche de "la réalité" peut produire quelques morceaux agréables, mais ne suffit pas à éviter l'insipide.