Je l'avais raté à sa sortie en 2014 mais heureusement pour moi, le cinéma le Grand Action a organisé un cycle autour de Richard Linklater et j'ai pu profiter de l'opportunité de le voir sur grand écran.
D'une durée de 2h45, Boyhood est un film pour le moins original et unique puisqu'il a été tourné sur une période de douze ans, avec la même distribution et la même équipe technique. Une expérience visant à suivre l'évolution des personnages et maintenir une certaine constance scénaristique.
Loin d'être une banale imitation de la vie, cette oeuvre n'est pas non plus un documentaire. En effet, il s'agit davantage d'une restitution d'instants du quotidien, ceux qu'on a tous vécu une fois dans sa vie ou dont on a déjà entendu parlé par des proches.
La différence se fait donc par la faculté de Richard Linklater à se servir de son procédé afin d'exploiter au mieux son sujet de prédilection soit le temps qui passe (on pense évidement à sa trilogie Before).
On voit les changements se faire progressivement sous nos yeux curieux, par tranches d'un quart d'heure environ par année. Aucune indication précise n'est donnée, on ne sait pas quel âge a le héros, on le devine. Ainsi, c'est par les cheveux qui poussent, les boutons d'acné aussi, la mutation de la voix, que le temps passe.
Autour de ce personnage principal évolue notamment son père (Ethan Hawke), sa mère (Patricia Arquette) et sa soeur (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur). Chacun vit des étapes diverses qu'on suit de plus ou moins près.
L'authenticité du projet enrichit l'histoire puisqu'en les observant vieillir - littéralement -, l'empathie pour ce groupe de personnes s'intensifie. C'est alors de manière progressive que l'immersion se fait et que l'émotion s'installe. On devient, par la même, complices de cet univers créé de toutes pièces.
Outre le fait de suivre l'adolescence d'un jeune homme comme les autres, Boyhood permet notamment à Linklater d'immortaliser une époque et plus précisément une décennie (2002-2013) à travers la musique, la littérature, la technologie et la politique notamment.
C'est l'instant présent qui est constamment mis à l'honneur et il prend une amplitude comme jamais encore il nous avait été donné de voir au cinéma.
Non seulement le procédé imaginé par le cinéaste fonctionne par sa sincérité et sa cohérence, il est d'une crédibilité infaillible.
En modulant le temps à sa guise, Richard Linklater construit, à travers un montage qui semble invisible, une fresque sur le quotidien d'une famille qui, même si elle est commune, ne cesse de nous toucher.
Film au concept ambitieux et pourtant d'une simplicité pure dans ce qu'il raconte, Boyhood est une déclaration d'amour à la vie, un message positif et véridique sur la beauté du présent.
Anecdotes diverses :
Boyhood a remporté l’Ours d’argent du Meilleur réalisateur à la Berlinale de 2014.
Les enregistrements, qui ont débuté à l'été 2002, ont pris fin courant 2013. Au début du tournage, Ellar Coltrane était âgé de six ans. A la fin, il en avait dix-huit.
Avant que le titre Boyhood ne soit retenu, le film avait d’abord pour intitulés The Untitled 12 Years Project et 12 Years. C’est une fois la production achevée que le réalisateur a préféré le titre « Boyhood », ne souhaitant pas qu’il y ait d'amalgames entre le film et l’oscarisé 12 Years a Slave. « Boyhood » donc, pour désigner l'enfance ou les jeunes années de Mason, le jeune héros du film.
Si Boyhood n’avait pas de scénario ou de dialogues préétablis, la trame du film répondait néanmoins à un « plan de structure » précis. Chaque année, le réalisateur réunissait ses troupes pour trois ou quatre jours, durant lesquels il enregistrait de courts segments de 10 à 15 mn. Les répliques étaient rédigées au fil du temps, selon la direction que prenaient les acteurs et l’évolution des personnages.