Que dire qui n’a pas déjà été écrit sur Brazil ? Film d’une générosité folle, magnum opus de son auteur (en dépit de la popularité des Monty Python… comme il l’a dit dans son interview Konbini “On en revient toujours à Brazil hein ?”) où bonheur, malheur, dystopie et onirisme dansent ensemble dans un ballet au chaos incontestablement jouissif.
Déjà, à mes yeux l’adaptation non-officielle réussie du 1984 de Orwell au cinéma est ici ! En soit ça n’a pas grand chose à voir, pas de novlangue et d’antagoniste de type grand-frère, mais on retrouve vraiment dans ce film la structure en 3 actes du livre : découverte de l’univers via un employé caractéristique, petite romance impossible à cause du système toxique et lavage de cerveau. Même l’arrestation du héros ressemble à celle de Winston dans le grenier avec sa nana, non ? Je l’ai lu il y a longtemps donc je me fourvoie peut-être.
Le génie du film tient en deux points à mes yeux : premièrement l’immersion juste génialissime, qui passe par une mise en scène souvent irréprochable où l'expressionnisme allemand (lieux de tournage écrasants, jeu d’ombre et de lumière iconiques, mouvements et placements de caméra amenant toujours à une satisfaction visuelle) côtoie le style habituel de Gilliam avec des gros plans déformés tout aussi perturbants que fascinants sur les visages de ses acteurs. La bande-son n’est pas en reste, et j’ai été surpris par les pépites orchestrales surprenantes ou galvanisantes qui tombent à longueur de temps ! On est pris au corps de manière visuelle mais aussi sonore pour pénétrer l’univers putride de ce film…
Son deuxième point-fort est bien entendu sa créativité débridée, ça fourmille tout le temps de petites idées partout, de petits gags… Le film a tout autant la volonté de présenter un univers de science-fiction effrayant que d’être un pur film de comédie. Donc on se retrouve constamment avec une situation à mourir de rire sous les yeux, la chirurgie esthétique, la secrétaire de la salle de torture, les plombiers, les attentats, l’humour si particulier de Gilliam fait toujours mouche, et en même temps on sent un espèce de côté débrouille, inventivité car toutes les machineries, tous les décors semblent avoir été fait de bric et de broc ce qui donne effectivement un petit côté Gondry à certaines créations visuelles. On sent que les mecs se sont amusés à créer des voitures ou des salles comme ça… Les acteurs sont vraiment top d’ailleurs : le protagoniste névrosé qui pourrait être dans un roman de Kafka, le guichetier du service des renseignements, les policiers, la mère du héros…
Une sympathie et une générosité énorme dégoulinent de Brazil : et c’est tout ce qu’il faut au cinéma. On est pleinement immergé dans un univers complètement dingue, tant dans sa dimension burlesque que dans le gigantisme visuel et dans l’imagination de développements futuristes hasardeux. Brazil est effectivement l’un des films de science-fiction les plus satisfaisants du cinéma : drôle, créativement fascinant, visuellement stupéfiant, finalement glaçant. Regardez le.