L'administration, suaire de la liberté.
Je n'ai pas une grande expérience du cinéma, mais je pense pouvoir affirmer sans me tromper que Brazil est un chef d'oeuvre.
Rarement je n'ai vu un tel soucis dans la composition des plans, un usage aussi bien maîtrisé de la musique et au delà de tout ça, un tel foisonnement de détails qui dorment en arrière plan ou aux détours des dialogues et se révèlent pourtant si riches en détail si cyniques et amer qu'ils soient.
Car l'histoire ne partait pas de grand chose, un petit employé du ministère de l'information, brillant mais sans ambition, ayant quelques soucis pour communiquer et possédant l'entourage familial le plus exécrable qui soit, décide soudain d'échapper à tous les rouages du système pour rattraper une femme qu'il n'a aperçu qu'une fois, mais qui hante ses rêves.
La grande force de Brazil, c'est que c'est un film parfaitement millimétré qui dénonce les excès d'une société trop millimétrée. D'un pays transformé en une dictature bureaucratique tellement complexe que nul ne sait plus comment elle fonctionne et ou la liberté s'est sans doute retrouvée broyée entre deux rouages si elle n'a pas décidé d'abandonner l'espèce humaine.
Pourtant dans cet univers horrible, Sam lowry, malgré c'est dehors d'un banal à pleurer fait figure de seul être un tant soi peu libre. Ces rêves sont en effet son seul recours face à la sordide réalité de son existence, et ils sont d'une richesse symbolique absolument démente.
Je tiens d'ailleurs à donner une mention spéciale aux masques de poupons qui sont de loin les visages les plus horribles que j'ai pu voir .
Bref revenons aux mondes des ordinateurs hybrides ( étrange croisement d'un pc, d'une machine à écrire et de lignes de commande ) ou une simple faute dans un message peut sceller le destin d'un innocent.
Ne nous le cachons pas, l'intrigue prend place un petit peu lentement. En effet elle prend le temps de présenter un grand nombre d’éléments récurrents et évolutifs qui viendront ponctuer l'intrigue de manière régulière et plonger le spectateur un peu plus loin dans la transe folle que provoque ce monde de béton aseptisé et morbide.
Car plus le le film avance, et plus l'on descend dans l'échelle de la folie.
Plusieurs élément aident grandement à installer cet univers oppressant
En premier lieu, l'intérieur des bâtiments est terrifiant, cristallisant tout ce qui peut se faire de plus affreux dans les bâtiments administratifs. Des couloirs sombres, gris,des salles gigantesques mais vide à vous en oppresser la poitrine.
Du côté des décors urbains ont à droit à des routes bordées de panneaux publicitaires à en vomir, cachant pauvrement une nature agonisante et désolée un ministère en béton austère et des morceaux de gratte ciel plus impersonnel les uns que les autres.
Mais la palme d'or de l'horreur revient à la gigantesque salle de torture, comble de la démence architecturale des architectes en charge de la ville.
Salle de torture car oui, dans Brazil, la justice, ainsi que l'ensemble des principes républicains et démocratiques, a été jetée aux placards et l'on est revenu aux bonnes vieilles méthodes d'antan, avoue ou crève. Ce qui fonctionne plutôt mal vous en conviendrez lors des erreurs administratives. De plus il se paient même le luxe d'y rajouter une petite innovation héritée de la société ultralibéraliste, en effet c'est à vous de payer le praticien qui vous à refait le portrait (ou à défaut, votre famille) c'est vraiment un monde merveilleux !
Bon je vais m'arrêter là pour l'ensemble des détails mais sachez qu'il faut être attentif à chaque phrase, chaque plan chaque scène, car ce monde pourri jusqu'à la moëlle est trop polissé pour présenter de front ces propres démences, alors elles sont cachées au détour d'une phrase, d'un axe de caméra ou sur une affiche au loin et elles apportent beaucoup à l'ambiance du film.
Quand à la fin, je ne préfère pas en parler ou alors juste un peu, parce qu'elle est vraiment géniale. Elle moque le principe même du banal cliché Hollywoodien avec une maestria indécente et intègre le surnaturel, l'incompréhensible et l'affreux avec au moins autant de génie qu'Evangelion.
Bref regardez brazil, vous en ressortirez changé.
( Ou au moins vachement content d'avoir vu une œuvre d'une telle richesse culturelle. )