Avec son intro qui notifie un extrait des magnifiques paroles de Changes de David Bowie, sa chanson aussi intemporelle que mythique nommée Don't You (Forget About Me), interprétée par Simple Minds, et son casting de jeunes acteurs tous aussi excellents les uns que les autres, il n'en fallut pas plus à John Hughes pour réaliser ce qui reste encore aujourd'hui le plus intelligent des teen movies. Intelligent parce qu'il est l'un des rares à ne pas prendre les adolescents pour les derniers des abrutis et à décortiquer leur âme.

Aux États-Unis, Breakfast Club est plus qu'un film culte, c'est LE monument du genre, la version ado de The Big Chill, le petit bijou inégalable (et inégalé) de Lawrence Kasdan. D'ailleurs, à l'époque, il paraît que la presse ciné américaine avait surnommé Breakfast Club le "little big chill", comme s'il s'agissait d'une version junior du métrage de Kasdan. Et il est vrai que ce huis-clos entre cinq lycéens en retenue et qui, en quelques heures, vont se lancer à la figure des vérités bien senties, a tout le charme et l'émotion du film sus-nommé, sauf qu'ici, les héros ont 16 ans. Leurs problèmes ne sont pas des crises sentimentales ou professionnelles. Non, ce qui les anime, c'est plutôt la crise d'identité et le goût de la révolte contre leurs parents. Sujet bateau ?... Oui, sûrement, mais les jeunes acteurs sont tellement crédibles, les situations sont si parfaitement justes, même 40 ans après, et le sujet abordé si universel que l'on ne peut être qu'être conquis par la sincérité du propos. Hughes s'étant spécialisé dans les films pour ados durant les années 1980 (Sixteen Candles, La Folle Journée De Ferris Bueller, etc.), il a toujours clamé de son vivant que Breakfast Club est l’œuvre dont il reste le plus fier de par sa construction narrative et son interprétation.

En retenue toute une journée, cinq lycéens vont donc apprendre à s'apprivoiser, à se défier, à se parler et à finalement se rapprocher en écartant tous préjugés. Il y a Claire, Reine du lycée et fille à papa indubitablement coincée, Allison, la perchée solitaire, un brin gothique, qui ment comme elle respire, Brian, le petit génie qui ne supporte pas d'encaisser un échec, Andrew, le sportif athlétique qui cherche inlassablement l'admiration de son père et enfin, John, le rebelle, issu d'une classe sociale nettement moins favorisée que les autres et qui cherche un véritable sens à sa vie. C'est ce dernier qui va ouvrir les yeux à ses camarades face au sujet de dissertation que leur impose le prof qui les surveille, un sale type aigri et adepte de l'humiliation infantile. "Qui pensez-vous être ?" est le sujet du devoir. Suite à une escapade dans les couloirs pour un joint de beuh à la clef, les effets de la weed vont faire voler en éclat tous les stéréotypes avec des échanges authentiques, profonds et éclairés.

Qu'ils soient des années 1980 ou de 2020, les problèmes identitaires des jeunes sont exactement les mêmes et Breakfast Club n'a pris des rides qu'en matière de patine face aux objets ou à la technologie. L'humain, lui, reste le même, en éternel quête de sa propre personne et des autres pour trouver sa place dans une société où la loi du plus fort, physiquement ou mentalement, s'enorgueillit perpétuellement dans les rapports de force. John Hughes prend ce difficile sujet à bras le corps et le met en scène avec une justesse rare, sublime et déstabilisante.

"Breakfast Club a annulé mon suicide programmé" avait rapporté une collégienne de 15 ans lors de la sortie du long-métrage en 1985. Plus qu'un film, une œuvre vraisemblablement d'utilité publique.

"M. Vernon, nous acceptons d'avoir sacrifié tout un samedi en retenue puisque vous pensez que nous avons fait quelque chose de mal. Mais nous trouvons absurde le sujet de dissertation que vous nous avez donné : "Qui pensez-vous être ?". Vous nous voyez comme vous voulez bien nous voir. Nous, nous avons trouvé une définition très simple : chacun de nous est à la fois un surdoué, un athlète, une détraquée, une fille à papa et un délinquant. Ça vous va ?

Signé : Breakfast Club".

candygirl_
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Mes films / BD & DVD, Films visionnés en 2023, TOP 100, Les films qui ont changé votre vie et Movie Songs

Créée

le 29 juil. 2023

Critique lue 18 fois

5 j'aime

3 commentaires

candygirl_

Écrit par

Critique lue 18 fois

5
3

D'autres avis sur Breakfast Club

Breakfast Club
Bondmax
9

Full Breakfast

Au même titre que le Magicien d’Oz, The Breakfast Club fait partie de ces films qui jouissent du statut de film culte aux Etats-Unis, alors qu’ils sont très peu connus dans nos contrées. Il suffit...

le 28 mai 2014

115 j'aime

9

Breakfast Club
Samu-L
9

En chacun de nous, il y a une grosse tête, un athlète, un cinglé, une princesse, un rebelle

Breakfast club est une excellente surprise. C'est bel et bien le meilleur teen-movie qu'il m'ait été donné de voir et à n'en pas douter le meilleur film de John Hughes. Breakfast club raconte...

le 21 juil. 2012

114 j'aime

4

Breakfast Club
Torpenn
8

Surgé la terreur

Pour une fois, faire confiance à Marius ne me déçoit pas. Le summum du teen-movie 80's est une vraie bonne surprise. Partant des clichés habituels des lycée américain : un intello, une chtarbée, un...

le 13 juin 2011

87 j'aime

38

Du même critique

Voleuses
candygirl_
5

French Cat's Eye

Adaptation filmique de la BD franco-belge La Grande Odalisque, elle-même très inspirée par le manga Cat's Eye, Voleuses est un divertissement made in France qui vise essentiellement le grand public...

le 1 nov. 2023

28 j'aime

2

Rue Barbare
candygirl_
7

Y'a peut-être un ailleurs...

J'avoue ne pas comprendre le principal reproche fait à Rue Barbare. "Ça a vieilli" peut-on lire de-ci de-là. Bah oui, normal, le film fêtant ses 40 ans cette année, il n'est plus tout jeune...Au-delà...

le 21 sept. 2024

10 j'aime

7

Gérard Depardieu : la chute de l’ogre
candygirl_
3

... ou la lâcheté d'un milieu artistique

De "l'affaire Depardieu", pourtant omniprésente dans les médias et sur les réseaux, je n'étais au courant que des diverses plaintes pour viol et agressions sexuelles et je n'avais découvert qu'un...

le 4 janv. 2024

10 j'aime

6