Brendan et le Secret de Kells est le premier film du réalisateur Tomm Moore, qui a mené ce long projet (le développement du film a démarré en 1999 !) en compagnie de la réalisatrice Nora Twomey.
Il s’agit du premier volet d’une trilogie – ou plutôt d’un triptyque – autour de contes irlandais. Le chant de la mer en 2014, et Le peuple loup récemment sorti sur AppleTV (merci la crise sanitaire qui oblige des films magnifiques à zapper la case de la salle pour sortir directement sur plateformes – et y être rapidement oubliés), tous deux également réalisés par Tomm Moore, viennent compléter la collection.
Coproduit par les studios indépendants Cartoon Saloon en Irlande, et Les Armateurs en France, l’animation est un vrai régal pour les yeux. Aujourd’hui, les grands studios d’animation comme Disney, Pixar et compagnie ont tendance à abandonner les techniques 2D au profit d’une 3D pas toujours très réussie. Avec Brendan, le soin apporté aux dessins, aux couleurs et à la texture des personnages est une pure merveille. Une patte graphique qui pourrait se rapprocher d’un Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot.
Certes, Tomm Moore et ses équipes d’animateurs se sont améliorés au fil des chapitres : il est incontestable qu’en terme plastique, il y a eu des progrès sur Le chant de la mer et Le peuple loup.
Pourtant, l’identité visuelle est déjà bien présente : on y trouve déjà plusieurs motifs visuels propre au réalisateur : un goût certain pour les mosaïques et les représentations circulaires colorées, des split screens intelligemment agencés pour servir le récit, et des perspectives surprenantes, notamment lors des plans représentant l’abbaye fortifiée de Kells.
Au visionnage de Brendan, impossible de ne pas penser au chef d’œuvre de Jean-Jacques Annaud : Au nom de la rose. Bien que ne se déroulant ni dans le même pays – l’histoire d’Au nom de la rose se situe dans une abbaye bénédictine d’Italie –, ni au même siècle – Brendan se déroule au IXe siècle, 300 ans avant l’enquête menée par le moine franciscain incarné par Sean Connery –, les similitudes entre les deux films sont frappantes et nul doute que Tomm Moore ait puisé une source d’inspiration dans le film d’Annaud.
Nous suivons l’histoire de Brendan, un apprenti moine d’une douzaine d’années, qui vit au sein de l'abbaye de Kells, dirigée d’une main de fer par son oncle, le sévère Abbé Cellach. Ce dernier est trop absorbé par la construction d’une immense muraille capable de résister aux assauts des Vikings, pour se consacrer au grand art ancestral de l’abbaye, la copie de textes pour faire perdurer le savoir, et l’enluminure des livres.
Brendan rêve de devenir enlumineur, comme le reste des moines, et comme l’était son oncle avant d’être aveuglé par la construction de son mur infranchissable.
C’est le Frère Aydan d'Iona, aux airs de Merlin l'enchanteur, le plus fameux des enlumineurs (grâce à une recette secrète), qui initie le jeune Brendan à l’art du dessin, et décèle en lui un énorme potentiel artistique.
La musique signée Bruno Coulais (qui a travaillé sur les trois films du triptyque) accompagne magnifiquement l’animation. Sans doute l’un des meilleurs compositeurs français actuel, il arrive ici à retranscrire le folklore irlandais avec brio.
Conte celtique inspiré et poétique, petite pépite visuelle et pétillante, Brendan et le Secret de Kells est un pur régal où chacun, petit ou grand, y trouve son compte !
Tomm Moore ne réalise qu’un film tous les 5 ans (l’animation, c’est toujours extrêmement chronophage), et déjà j’attends le suivant avec tant d'impatience !