Est-ce que la déception ressentie suite au visionnage d'un film est proportionnellement inverse à l'attente que ce film a suscité en nous ? Je me pose de plus en plus la question, et Bright Star tend à y répondre plutôt par l'affirmative. Je n'ai rien contre Jane Campion, au contraire. J'avais adoré La leçon de piano qui fait partie de mes films préférés, l'émotion, la sensualité et le désespoir qui s'en dégagent, ce désespoir si caractéristique des vies humaines brisées par les hasards les plus tragiques, tels la maladie ou l'altération de l'un des cinq sens qui constituent la plupart des individus. Mais ce qui fait toute la force de La leçon de piano, son authenticité se retrouve dilué dans Bright Star jusqu'à l'absence la plus totale.
Que reste-t-il alors ? Une photographie, belle, comme un tableau animé. Le même genre de beauté post-impressionniste que l'on retrouve par ailleurs chez Mr Turner, à ceci près que le romantisme de Bright Star sur le papier est beaucoup plus attrayant. Que voulez-vous, on attire pas le chaland avec des personnages laids qui passent leur temps à se racler la gorge... (à cet effet, si les bruits intempestifs du genre vous dérangent épargnez-vous Mr Turner). Les fleurs sont partout, accompagnées du soleil britannique si caractéristique, pas suffisamment lumineux ni incandescent pour pouvoir réchauffer suffisamment les âmes esseulées. C'est joli, c'est mignon. C'est... anglais. Et surtout, c'est terriblement ennuyeux.
Les enjeux ne manquent pas pourtant, même si le cadre et les emportement du personnage campé par Abbie Cornish les font passer pour ridicules. Fanny Brawne, couturière et John Keats, poète sont voisins l'un de l'autre et finissent par tomber amoureux de façon réciproque. S'ensuit alors des évènements tous plus dramatiques les uns que les autres : l'ami de Keats, jaloux et en toute apparence sans dessein autre dans la vie que d'embêter les gens finit par le laisser tomber comme une vieille chaussette. Pragmatisme face aux nécessités financières, lâcheté pour Fanny qui en plus d'être profondément égoïste gagnerait en intensité dramatique à être replacée dans un opéra classique. Fanny cout des robes, Fanny s'intéresse à la poésie, Fanny dit "je te déteste" quand tu pars deux semaines, Fanny fait une crise d'angoisse, Fanny reste sous la couette des jours parce qu'après t'avoir dit qu'elle te détestait elle est "malade".
Il semblerait que ce soit cela ce que tout le monde appelle le romantisme. Une vie à deux pourrie où tu te contentes des miettes d'un amour voué à l'échec que la seule façon de réveiller un tant soit peu consiste à se complaire dans la mélancolie mièvre et improductive. Tout ce mélange servi par un rythme lent ne permet même pas de s'attacher aux personnages qui ne nous ont quasiment pas été introduits. On les voit, on les suit de loin les yeux mi-clos en se doutant que ça va mal se finir sans être touché pour autant. C'est d'autant plus dommage pour un film recelant parfois des moments de poésie folle, comme ces papillons bleues aux ailes immenses qui envahissent la chambre de Fanny en se posant partout. Pour le reste, ça relèvera malheureusement de l'anecdotique pur.