Mes provinciales.
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le 14 nov. 2018
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Critique rédigée en octobre 2019
Travailler pour mieux sauter
Sur le quai d'une gare parisienne, deux jeunes provinciales, toutes deux prénommées Brigitte, escomptent leur avenir. L'une (Françoise Vatel) est brune, sérieuse, conformiste, et est en voie d'étudier le russe ; la seconde (Colette Descombes) est blonde, imprévoyante, cynique, et vient étudier le droit. Des différences sociales bien rudes qui n'empêcheront guère les deux jeunes filles de vivre de colocation dans un étroit appartement parisien qu'elles découvrent en plein désordre. Dès lors, chacune partage ses activités avec l'autre, mais leurs différences vont-elles leur empêcher d'atteindre le même acabit ?
Sorti en 1966 et très peu commercialisé depuis, Brigitte et Brigitte (une burlesque sur la Sorbonne) est une excentrique peinture sociale du milieu étudiant parisien, filmé de près par Luc Moullet, réalisateur quelque peu négligé de la Nouvelle Vague signant ici son premier long-métrage.
Filmées à fleur de peau, les deux héroïnes apportent une certaine fraîcheur à ce voyage austère dans un Paris monochrome des années 60, le tout sans musique aucune (étant dans les normes des films de la Nouvelle Vague de cette décennie le film est assez classique dans sa forme). Chaque séquence de dialogues se révèle savoureuse tant ceux-ci font mouche, étant principalement basés centrés sur les affronts entre les deux petites vingtenaires. Pour autant, leur complicité est joliment exploitée par les plans mettant en valeur l'espace clôt rapprochant les deux héroïnes.
L'incipit nous présente d'emblée les deux personnages comme deux individus bien différentes mais unies et dès lors les 75 minutes passent comme une lettre à la poste. Chaque séquence arrive à nous jeter une oeillade sur notre expérience avec la vie commune et même avec le cinéma en lui-même.
Par exemple, la séquence des entretiens avec les passants concernant le cinéma américain ; sobre et cocasse.
Ou encore, la visite des monuments parisiens que les Brigitte prennent la tête de noter, en plus de manière fort sévère !
Sans parler des références aux congénères Nouvelle-Vague à l'âme de Moullet, comme les apparitions de Claude Chabrol et d'Eric Rohmer.
Le couple féminin interprété par le duo Vatel / Descombes fonctionne à merveille et n'est pas à rappeler le délicieux couple Deneuve / Dorléac des Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, sorti un an plus tard. Sans atteindre l'excentricité et ce qui faisait la folie de ce dernier (en grande part à cause d'une seconde partie un peu alambiquée au niveau des situations cocasses...), le film de Moullet rayonne par ses personnages et ses situations festifs et son discours pertinent sur la vie étudiante de la génération 1940.
Effectivement, si la Brigitte brune livre des études rigoureuses qu'elle arrive à suivre sans souci, la Brigitte blonde laisse trop libre court à ses activités secondaires au point de ne pas réussir à décrocher sa licence de droit.
L'avant-dernière séquence, se centrant alors pour la première fois sur le visage des deux protagonistes, est sans aucun doute la plus percutante du film puisque c'est celle où l'une déballe à l'autre son bloc de "vérités". C'est ainsi l'acmé de ce qui oppose les deux femmes, et le film se conclut sur la voix-off sanglotante de Brigitte, annonçant se dissocier de son amie.
Un petit film burlesque, méconnu, que je ne regrette pas d'avoir découvert inopinément à l'université. Un portrait de femmes réjouissant marquant pour son discours féministe sous-jacent et tout à fait modeste, et sa poésie éclatante. Jolie trouvaille.
PS: et si c'était ce film qui avait réellement inspiré le duo musical Brigitte ? L'univers a son aura de mystères...
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Créée
le 18 déc. 2020
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