Je vais commencer par le seul gros défaut que je trouve à Brigsby Bear.
Je le résumerais de la façon suivante : tout ce qui pourrait mal se passer se déroule sans encombres. Les exemples sont nombreux.
On évoque assez tôt l'âge de James. Sa plus jeune sœur lui impose de ne pas en parler. On imagine que plus tard il sera connu, que ses nouveaux amis en seront perturbés, et que du conflit en naitra. Absolument pas, à vrai dire, on ne saura même pas s'ils l'apprennent ou non.
Et tout au long du film, ce problème persiste si bien que ma frustration, voire mon détachement n'a fait que grandir.
La première fois, qu'il peut rediscuter avec celui qu'il appelait "père" est un autre exemple. La scène devrait être tendue, d'autant plus qu'il a besoin de sa voix et qu'il n'a plus que quelques jours ! Cet objectif pourrait, devrait, être difficile à atteindre. Malheureusement, une unique discussion suffit à convaincre l'ancienne figure paternelle qui donnera sa voix dans la même scène. Et on n'en parle plus.
La famille elle aussi passe soudainement de "on ne peut plus le garder" à un respect total de son travail. D'un coup, c'est réglé.
Il rencontre la jeune fille qui jouait les jumelles pour l'embaucher. Elle ne le connait pas directement, a une famille, elle a presque peur devant sa maladresse si bien que la scène réussit à
nous mettre mal à l'aise. Pourtant, on ne la reverra qu'une fois dans le film sans aborder ni dilemme ni inquiétude.
De la même façon, je peux accepter que le projet ait du succès rapidement, mais on a besoin d'argent ? Pas de problème, dans une discussion on apprend qu'un crowdfunding a eu lieu et que l'argent est déjà là.
James fugue de l'hôpital ? Aucune conséquence.
Le film pourrait ne pas être apprécié ? Tout le monde l'adore.
On pourrait profiter de sa naïveté, le tromper, manipuler ? Il n'a que des amitiés sincères et bienveillantes.
Le policier qui utilise les pièces à conviction pourrait voir son emploi compromis ? Aux dernières nouvelles tout va bien.
Tout cela m'a donné l'impression que les auteurs n'ont pas osé malmener le protagoniste, et c'est grandement dommage. Nombre de scènes aurait été plus marquantes si elles n'avaient pas évité le conflit. Le spectateur se serait davantage investi si les personnages devaient être actifs pour atteindre leurs objectifs et non attendre que tout s'arrange.
Néanmoins, je ne peux nier mon attachement à James, grâce à deux exploits. Le premier est la grande variété des notions et outils qu'ils ne comprend pas dans ce nouveau monde. On aurait pu craindre la fainéantise d'œuvres au concept similaire qui s'arrêtent à un smartphone et un joint... Il n'en ai rien. On ne nous montre pas seulement qu'il n'a pas les codes, mais qu'il se sent perdu et incompris de ne pas les avoir. C'est plus que suffisant pour croire en son histoire et être impliqué dans son évolution.
Le deuxième point est la méticulosité avec laquelle sa psyché est exposée. Comme ses proches, il m'a d'abord paru étrange, et un brin fascinant. Sa passion a été une obsession malsaine, j'aurai aimer l'aider à s'en débarrasser. Puis j'ai moi aussi fini par croire juste un peu en Brigsby jusqu'à souhaiter qu'il se l'approprie et fasse enfin son deuil.