Bronson, ou le prisonnier le plus controversé de Grande-Bretagne. Voilà un pari osé pour Nicolas Winding Refn: conter la vie carcérale du détenu tout en captant l'attention du spectateur. Et c'est un pari hautement réussi. D'ailleurs dès les premières secondes du film le ton subversif est donné: l'apparition du titre en énormes capitales couleur sang (à la manière d'un Quentin Tarantino) annonce la couleur. Et dans une formidable perspective de mise en abyme, le protagoniste lui-même se livre à nous, déroulant le fil de son étrange vie, quasiment passée entre les murs, hors du monde. Une vie sereine et violente à la fois, heureuse et frustrante en même temps. Une vie singulière et filmée de manière singulière. Et c'est dans cette alternance récit oral - flashback que l'acteur, qui transcende son personnage plus qu'il l'incarne, nous mène de prison en prison, d'aventure en aventure, illustrant avec brio un personnage heureux, heureux de jouer un autre rôle que celui de père ou de mari, heureux de faire briller l'acteur qui sommeillait en lui, heureux d'être en prison. Et le bagne devient alors curieusement un espace libérateur, créateur, Sa maison, Son monde. Et tout le génie du réalisateur est de filmer cette sérénité tout au long de son oeuvre, une sérénité parsemée de violence, mais révélée par un esthétisme visuel (travellings nombreux et lents, gros plans de longue durée sur les personnages) et sonore (musiques classiques et d'opéra illustrant de très nombreuses scènes violentes) renversants. Et le personnage, rencontre enfin la célébrité qui lui est due (il raconte sa vie dans un one man show, sur un podium), exauce son rêve en obtenant le titre de "prisonnier le plus dangereux de Grande-Bretagne", sans doute le seul dessein de ses considérables exactions. Un hommage brillant au surréalisme et quelquefois polémique sur la dure vie carcérale, dont se jouera pourtant avec délectation notre antihéros. Un chef-d'oeuvre, en somme.